Dans la quête incessante de solutions pour une médiation numérique plus équitable, Lyon prend une longueur d’avance avec l’application Mes Papiers. Développée par la Métropole, cette initiative dévoile une approche pionnière pour surmonter les obstacles administratifs et numériques auxquels font face les publics fragiles.

Afin d’en savoir plus à ce sujet, je vous propose ici un dossier spécial consacré à l’application Mes Papiers et son fort potentiel. Ce service m’a intrigué à de multiples niveaux, aussi bien pour sa dimension technique que sociale. Mes confrères et consœurs CNFS ne manqueront pas de se poser des questions similaires, alors, pour y répondre, j’ai échangé récemment avec Antoine Louvet, chef de projet Inclusion numérique à la Métropole du Grand Lyon.

Que faut-il retenir de ce projet, et quelles sont mes réflexions à ce sujet ? Plongeons sans fioritures dans les détails de cette expérimentation et envisageons ses implications.

Cet article ne fait l'objet d'aucun sponsoring de la Métropole de Lyon. Les opinions personnelles exprimées n'engagent que moi.

Métropole de Lyon : Enjeux de médiation numérique et illectronisme

Il existe aujourd’hui de nombreuses structures impliquées en faveur de la médiation numérique au sein de la métropole de Lyon, aussi bien associatives que privées ou publiques. Parmi celles-ci, le réseau Res’In et la Maison Métropolitaine pour l’Insertion et l’Emploi (MMIE) sont des acteurs majeurs, gérés par les services de la Métropole de Lyon. Ils sont aux premières loges pour constater et analyser les problématiques concernant les publics en situation d’illectronisme ou de difficultés administratives.

Accompagnement social : la constitution de dossiers pour les publics en fragilité administrative et numérique

Sur le terrain, les professionnels de l’accompagnement social dressent le constat suivant : iels passent – et perdent – un temps conséquent à constituer des dossiers pour les démarches administratives de leurs bénéficiaires. Le plus ardu est d’en réunir les éléments, éparpillés entre de multiples organismes ou services. Cette contrainte, souvent liée au manque de compétences numériques du public, impacte directement la capacité des services sociaux à traiter les demandes.

« 48 % des Français éprouvent des difficultés à réaliser une démarche administrative à partir des services numériques. Cela est dû souvent soit à la conception du service en lui-même, soit à la situation de la personne (manque de connaissance, machine ancienne, manque de maîtrise de la langue française, etc.). » Antoine Louvet

Comment résoudre ce problème ? Comment répondre à la fois aux besoins d’un public en fragilité numérique et administrative et à ceux des professionnel.le.s qui les accompagnent ?

Les ambitions de la Métropole de Lyon pour favoriser l’inclusion numérique

Les thématiques liées à un numérique plus facile d’accès et inclusif prennent de l’importance dans le débat politique local (sur ce point, je vous invite à écouter ou visionner les échanges et conférences du Forum Res’In du 20 septembre dernier). Le déploiement des CNFS sur le territoire est une illustration visible du phénomène, mais d’autres actions et initiatives existent en ce sens.

Les équipes de la Métropole de Lyon s’impliquent notamment pour développer de nouveaux services, quitte à expérimenter. C’est ainsi que certains ont commencé à élaborer, dès 2021, ce qui allait devenir l’application Mes Papiers.

Qu’est-ce que l’application Mes Papiers ?

De façon très concrète, l'application offre un espace personnel de stockage (de type Cloud), que l’utilisateur peut lier aux différents services auprès desquels il a un compte grâce à des connecteurs (voir plus loin). Tous les documents émis par ces services sont automatiquement téléchargés, identifiés et organisés dans cet espace de stockage.

Les fonctionnalités principales de Mes Papiers sont les suivantes :

• Sauvegarde et classement des documents et infos
• Accès rapide à tout élément sauvegardé
• Transfert facile d’un ou plusieurs documents
• Connexion aux sites tiers pour l’import des documents
• Sauvegarde et gestion des mots de passe grâce à une application complémentaire

Notez qu’on peut effectuer un parallèle avec des solutions comme Reconnect ou Digiposte, toutefois les publics ciblés sont distincts. La population concernée est un facteur majeur de différenciation entre ces outils.

Services sociaux et illectronisme : Le rôle crucial de Mes Papiers

Songez un instant à tous les documents réclamés par l’administration pour constituer le moindre dossier, et à la difficulté de les obtenir. Maintenant, ajoutez le fait que les bénéficiaires ont la fâcheuse manie de perdre leurs papiers ou mal organiser leurs fichiers. Puis, cerise sur le gâteau, rappelez-vous qu’un tiers des Français abandonne une démarche en ligne parce qu’elle est trop complexe à accomplir. Enfin, concluons sur l’observation que les publics ayant besoin d’aide administrative sont nombreux à subir la double peine de la fragilité numérique.

Dans ces conditions, disposer d’un espace pour obtenir et centraliser les documents est un Graal technique pour tout travailleur social et ses bénéficiaires. Tout ou presque est à portée de main pour faire avancer un dossier.

L’utilisation d’une solution telle que Mes Papiers offre ainsi quatre objectifs notables :

• Éviter de ‘refaire à chaque fois’
• Mieux gérer les documents administratifs numériques
• Faciliter la préparation de démarches
• Faire évoluer le rapport à l’administratif et au numérique

À qui s’adresse le service Mes Papiers ?

L’application s'adresse à des personnes en fragilité numérique ou administrative partielle, voire les deux. Les publics qui éprouvent des difficultés pour accéder aux services publics quotidiens sont directement concernés, ainsi que celles et ceux réclamant un accompagnement humain pour l’utilisation des outils numériques.

Par fragilité partielle, comprenez que l'individu ne doit pas être en situation d’illectronisme absolu. Quelques connaissances et compétences de base sont en effet nécessaires pour appréhender l’outil.

Et si les gens quittent Lyon et sa périphérie ?

En cas de déménagement, « le service proposé par la Métropole continuera de fonctionner, la personne peut continuer de l’utiliser. Par contre, comme elle va quitter le territoire, elle ne va plus avoir l’usage de certaines fonctionnalités, par exemple le suivi de la consommation en eau [...]. Si elle veut sortir du territoire, elle peut transférer toutes ses données vers un Cloud standard aux conditions et modalités d’accès proposées par ce dernier. [...] [Même si] La capacité de la personne à demander à un professionnel de gérer un tel Cloud et ensuite à s’en défaire est effectivement quelque chose qui me semble aujourd’hui un peu complexe. »

Est-ce du technosolutionnisme ?

Accordons-nous une minute critique avant de poursuivre.

On ne peut pas tout résoudre avec une application smartphone, tout inclusive soit-elle. La question se pose donc de savoir si le développement d’un tel service revient à miser sur du technosolutionnisme. La tendance est récurrente, aussi me semble-t-il important de préciser ce qu’il en est.

Aux dires d’Antoine Louvet, les responsables du projet ne l’ont pas lancé avec l’idée de « Faire une application pour résoudre un problème uniquement avec ça. » L’objectif initial est défini comme « un déploiement de facilités pour les habitants et les employés de la métro. [...] Les professionnels vont pouvoir proposer au public qu’ils accompagnent du point de vue numérique et social tout ce qu’il faut pour sauvegarder des documents et les rassembler, avec en prime l’avantage que ce soit automatisé. Je ne pense pas que ce soit du solutionnisme technologique, car on a pensé ce service pour qu’il soit accompagné par un humain, quitte à devoir animer des actions de formation et d’accompagnement. »

Mes Papiers ne prétend donc en aucun cas être la solution ultime pour réduire les différentes formes de fracture numérique, mais s'annonce comme un service utile et pratique.

Comment fonctionne l’application Mes Papiers

Pour développer ce service, la métropole de Lyon a noué un partenariat avec l’entreprise Cozy Cloud. Le nom sonnera familier aux oreilles des médiateurs numériques, car il s’agit d’une référence du Cloud français éthique.

Installation et configuration de Mes Papiers

Pour installer l’application, l’utilisateur a besoin de son smartphone, d’une adresse email et de 5 minutes de son temps.

Il y a deux possibilités :

1. Sur les magasins d’applications, il faut télécharger l'application Cloud Personnel — Cozy. Une fois celle-ci installée, on y trouve Mes Papiers.
2. Flasher le QRCode (ci-dessous, issu de la ressourcerie du projet) ou cliquez sur ce lien, qui mènent vers l’application dans votre magasin d’applications.

Dans les deux cas, suivre les étapes indiquées.

La première option sera bientôt remplacée par une installation par le biais de l’application Cozy Métropole de Lyon (qui intègre Mes Papiers), ce qui évitera de devoir passer par le Cozy personnel standard. Prévue pour simplifier le processus, cette solution sera accessible à partir de février 2024.

L’accompagnement à l’installation

Afin de pallier d’éventuelles difficultés liées à un défaut des compétences des bénéficiaires, il est prévu que l’installation se déroule sous la supervision de médiateurs (CNFS ou autres aidants) du réseau Res’In. Cet accompagnement humain est au cœur du projet Mes papiers, car il offre l’occasion de former au passage des publics fragiles à de multiples thématiques. Cloud, données personnelles, gestion des documents numériques... Il y a de quoi explorer. « Ce qu’on espère, c’est que, par le biais de cette offre, la personne monte en compétences sur le numérique et l’administratif. »

Cozy Cloud : Partenaire clé dans le développement de Mes Papiers et de ses connecteurs

Tout comme le propose Cozy à l’échelle nationale, Mes Papiers bénéficie de connecteurs aux différents organismes et sociétés auprès desquels l’utilisateur a un compte. Une fois paramétrés, ils connectent de façon sécurisée ces comptes et le Cozy Cloud. Ainsi, chaque fois qu’un document est édité par ces structures, il est automatiquement transféré vers l’espace de stockage de l’application.

Exemple : F. est client chez Free. Grâce au connecteur, ses factures et autres justificatifs sont directement disponibles sur Mes Papiers, sans devoir se connecter à la plateforme de l’opérateur téléphonique.

Avec ce système, il n’y a en théorie plus besoin de réclamer le moindre fichier (à l’exception de ceux nécessitant une demande manuelle de l’utilisateur sur le site de l’opérateur).

... Et les connecteurs lyonnais.

La particularité de Mes Papiers est de pouvoir proposer des connecteurs spécifiques aux opérateurs du territoire de la métropole lyonnaise. L’objectif est de correspondre le plus possible aux réalités du terrain et de ses spécificités.

À l’heure actuelle, seul le connecteur territorial spécifique 'Eau du Grand Lyon' est en production. D’autres sont en cours de réflexion au sein de l’équipe de développement afin de les ajouter par la suite.

Gérer les documents administratifs

En plus d'offrir toutes les fonctionnalités qu’on peut attendre d’un Cloud où l’on sauvegarde et manipule des fichiers (point déjà évoqué auparavant), Mes Papiers dispose de plusieurs éléments intégrés supplémentaires :

• Une fonction avancée liée à la prise de photo (permet le cadrage, l’alignement et l’amélioration du contraste des documents).
• Un aide-mémoire intelligent (permet d’ajouter, chercher et rassembler des informations utiles aux démarches, indépendantes des documents stockés. Par exemple, un numéro de demande de logement social, l’adresse postale d’une institution…).
• La reconnaissance de caractères (ex: les informations contenues dans les documents les plus fréquents en photo sur le téléphone).
• Un assistant à l’ajout de documents.
• La transmission des fichiers à des tiers.

Au cas où il faudrait traiter des documents non gérés à l’aide des connecteurs, l’action de les numériser est facilitée depuis le smartphone. Ainsi, « [...] quand tu scannes certains documents papier, comme une pièce d’identité, permis de conduire ou passeport, les informations sont automatiquement reconnues et saisies dans les champs de données correspondants, et proposées à l’utilisateur pour validation. ». Les bénéficiaires peuvent donc les enregistrer directement au bon endroit.

Un exemple concret ? Je vous invite à consulter la documentation officielle et l’exemple du personnage de Dalila (en pdf ci-dessous).

Les aidants numériques pris en compte par la Métropole de Lyon

Au premier semestre 2024, une expérimentation aura lieu pour intégrer la possibilité de faire gérer ses documents par un aidant numérique. Il peut s’agir d’un proche ou d’un professionnel qui a l’accord du bénéficiaire. L’idée est de « faciliter le travail des professionnels, internes et externes, de la Métropole, dans le respect des processus identifiés. [...] L’aidant devra posséder un Cloud Cozy ou Métropole de Lyon pour accéder à cette fonctionnalité. ».

Ce dispositif n’a toutefois rien à voir avec celui d’Aidants Connect, car, dans ce dernier cas, pour être habilité, il faut être une structure. Puisque ce sont des personnes qui bénéficieront de l’habilitation dans le cadre de Mes Papiers, une telle compatibilité est impossible.

Sécurité des données : la priorité de Mes Papiers et de la Métropole de Lyon

L’équipe de Mes Papiers (et donc le Cloud Métropole de Lyon) a dès le départ conçu ce service autour de la sécurité et de la confidentialité des données. L’environnement technique respecte le règlement général de la sécurité (RGS) et le RGPD, avec l’ambition que ce service soit éthique et le reste. En tant que fournisseur, la Métropole de Lyon est en effet responsable de la sécurisation du dispositif.

Dans cet état d’esprit, Mes Papiers n’intègre donc aucun système d’études statistiques ou d’analyse (mouchards, traçage, etc.). Ni l’éditeur ni la Métropole de Lyon n’ont accès aux données et documents des bénéficiaires. « Pour nous, ce Cloud est une boîte noire à laquelle seuls les bénéficiaires ont accès. » La seule donnée dont ils peuvent disposer est le nombre d’installations et d’utilisateurs actifs.

Chiffrement des données

« Les documents eux-mêmes ne sont pas chiffrés. » En revanche, « Ce qui est chiffré, c’est le gestionnaire de mots de passe, qui assure notamment le fonctionnement des connecteurs. Avec ce chiffrement du mot de passe et de toutes les données communiquées au Cloud, ça signifie que sans ce mot de passe, l’utilisateur perd l’accès. » On peut se rassurer, le cas classique de la perte de mot de passe a été prévu et s’appuie sur l’adresse email fournie au moment de l’inscription.

Le choix de créer une application en « sécurité par défaut »

Dans le milieu de la big tech, le privacy by design est loin d’être la norme. Fait notable, c’est le choix qui a été mené par les équipes de la Métropole de Lyon.

Lors de l’installation, l’application Mes Papiers vérifie au préalable si l’appareil de la personne est suffisamment protégé. Si ce n’est pas le cas, une modification des paramètres de l’application est obligatoire pour finaliser l’installation – faute de quoi cette dernière est refusée.

« Au-delà du chiffrement des données, on veut d’abord s’assurer que le terminal machine utilisé est sécurisé. La première chose qu’on vérifie, quand l’application s’installe sur l’appareil de la personne, c’est si le téléphone se verrouille automatiquement et s’il se déverrouille avec un code ou autre. C’est une chose assez rare dans l’écosystème des applications, et si le téléphone n’est pas assez sécurisé, on va imposer à la personne de mettre en place ces processus de vérification et de protection. Ensuite, dans les paramètres, la personne peut choisir deux à trois modes de sécurité différents complémentaires (verrouillage automatique de l’application, double authentification...). »

Précisons que Mes Papiers bénéficie de mises à jour régulières, une garantie de confiance supplémentaire.

Accessibilité du service numérique

L’application a démarré juste au-dessous des 50 % d’accessibilité, et se trouve donc partiellement conforme à ce stade. Des actions sont mises en place pour dépasser le seuil imposé par la métropole de 75 % d’accessibilité à destination des habitants. Il faudra donc attendre pour atteindre les 100 %, même si cela demeure un objectif futur.

Le poids de l’application Mes Papiers

Afin de réduire l’impact de l’application sur l’appareil utilisateur, elle a été optimisée de façon à diminuer autant que possible la place occupée dans la mémoire du smartphone. Le volume exact est de 60Mo, quel que soit l'OS. Je trouve intéressant que les concepteurs aient tenu compte de ce paramètre de sobriété – y compris pour la limite de stockage du Cloud.

Déploiement de l’application Mes Papiers sur le territoire lyonnais

La diffusion de ce service a déjà commencé, et s’intensifiera tout au long de l’année 2024. Des actions de communication auprès des habitants vont être mises en place, ainsi qu’auprès des professionnels de l’accompagnement social. Ces derniers peuvent d’ores et déjà solliciter les équipes de la métropole pour se familiariser avec l’outil.

« On programme régulièrement des ateliers de découverte de l’application et des retours d’expérience d’utilisation par les professionnels. Comme ça, ceux qui ne connaissent pas l’appli peuvent la découvrir. [...] Aujourd’hui, les structures qui sont intéressées par ce service et qui souhaitent le proposer à leurs bénéficiaires peuvent réaliser et suivre ces formations standards. Ça peut être sur des points particuliers, par exemple “Parler à mes bénéficiaires pour permettre l’installation et l’utilisation de Mes Papiers”, puis un accompagnement individuel à cette installation et utilisation de l’application. On fournit aussi différents éléments de communication et matériels pour permettre aux structures d’accomplir cette action de médiation. »

Finances publiques et pérennité du dispositif

Parler d’accompagnement social et d’inclusion numérique avec un tel outil incite à poser des questions d’ordre politique et économique. Qu'en est-il de sa pérennité en cas de changement de bord politique de la métropole de Lyon ou réduction des financements ?

Lors de notre échange, A. Louvet s’annonçait confiant, et a assuré que le dispositif, conçu comme un service public, est prévu au niveau de la DSI pour durer quoiqu’il arrive par la suite. « L’hébergement est sous la responsabilité de la Métropole, le développement aussi, et l’ensemble est cofinancé par des dispositifs nationaux et européens. [...] La Métropole de Lyon a obtenu deux appels à projets, dont un de la DINUM, qui nous a permis de développer Mes Papiers, et un autre qui va financer les développements sur les deux-trois prochaines années. »

Les freins éventuels à l’adoption de l’application Mes Papiers

J’ai parlé plus haut de technosolutionnisme, toutefois l’obstacle principal à son déploiement pourrait venir d’ailleurs. En l’occurrence, l’adoption et l’appropriation de l’outil par les bénéficiaires eux-mêmes posent question bien davantage que l’utilité du service.

D’après la feuille de route du projet, Mes Papiers est dès le départ conçu pour faire l’objet d’une médiation sociale et numérique. « Pour moi, le principal frein porte sur la maîtrise du langage administratif et des compétences administratives, c’est pourquoi il est essentiel que la personne soit accompagnée pour comprendre cette application. » Qui plus est, la capacité des structures à mobiliser du personnel afin de mettre en place cet accompagnement sera donc un facteur déterminant à l'avenir.

Dans l’idéal, la formation de l’usager à l’application constitue « Un prétexte à rattraper le retard sur ces points et suggérer des formations ultérieures, par exemple sur ce qu’est un Cloud ou la confidentialité des données. Ces explications, venant de personnes de confiance, peuvent les aider à monter en compétences numériques. » D’expérience, les bénéficiaires venant pour résoudre un problème lié à une démarche sont peu nombreux à vraiment souhaiter se former, mais j’aimerais que ce dispositif me fasse mentir sur ce point.

Une inspiration pour faciliter la gestion administrative au niveau national ?

Dans la foulée de mes réflexions sur la mise en place d’une e-administration sur le modèle estonien, je m’interroge sur l’impact que peut avoir ce projet. Supposons que le déploiement de ce service, issu d’un partenariat public-privé soit un succès, il pourrait devenir un exemple à l’échelle du pays.

Pourquoi ?

La fragilité numérique et administrative, même partielle, se décline dans tous les cantons de France. Je ne connais aucun conseiller numérique France Services qui n’évoque pas, des trémolos dans la voix, la quantité de dossiers administratifs sur lesquels il intervient. Le problème est global, et mérite des solutions qui ne le sont pas moins. La dématérialisation des démarches a beau être une cause identifiée, elle n’est que la pointe émergée de l’iceberg.

❄️ Démarches administratives en ligne: le modèle estonien

Mise en perspective de l’approche estonienne pour les démarches en ligne et l’e-administration : une inspiration à suivre pour la stratégie numérique France.

Florent SalemFlorent Salem

Extrapolations sur le potentiel de Mes Papiers

Il existe d’autres initiatives pionnières en la matière, pilotées par la DINUM. Je songe notamment à Dossier Facile (pour le logement) ou Filigrane, qui s’attaquent à des difficultés techniques spécifiques. Couplez ces dispositifs et d’autres à un service comme Mes Papiers, et vous obtenez l’assurance de faciliter la gestion des documents administratifs de l’ensemble de la population.

Cela exige néanmoins de concevoir une architecture complète (et cohérente !). Vous me direz que l’on nage en pleine politique-fiction... Or, ce n’est pas le cas, à en croire les anticipations menées à la Métropole de Lyon. « On s’assure systématiquement d’être alignés avec notre partenaire Cozy Cloud sur ce qu’il se passe au niveau national, notamment en ce qui concerne les numérisations de pièces d’identité. On anticipe une future compatibilité avec ces projets nationaux pour l’utilisateur de l’appli Métropole de Lyon. [...] On travaille sur deux outils pour faciliter la constitution de dossiers, et, dans le cas du logement ou les déclarations de ressources Pôle-Emploi, on anticipe l’ouverture des échanges de données entre ces services tiers et notre Cloud. Pour l’heure, notre priorité reste de déployer l’outil, de l’analyser sur de nouveaux cas d’usages, et, concernant les grandes évolutions nationales, ce sera pour de prochaines étapes. ». Un cap se dessine, encore faut-il s’orienter vers celui-ci.

Voilà du moins qui se rapproche en partie du système X-Road estonien, et je m’en réjouis. Mes Papiers a le potentiel de prouver que cette approche est techniquement réalisable, pour peu que l'appli soit adoptée et prenne de l’envergure.

Une application à fort potentiel, mais qui doit faire ses preuves sur le terrain de la médiation

Il est entendu que Mes Papiers ne résoudra pas tous les problèmes de fracture numérique, toutefois l’application constitue un intéressant développement de la stratégie d’inclusion numérique de la métropole de Lyon. Doté des fonctionnalités que l’on a exposées, le projet avance dans la bonne direction pour répondre aux besoins des publics en situation de fragilité numérique et administrative. On peut certes émettre quelques réserves ; qui plus est, le déploiement sur le terrain s’annonce comme un moment de vérité pour sa viabilité - mais au cas où ce serait un succès, vous pouvez parier sur des évolutions intéressantes et de grande ampleur par la suite.