Souvent négligée dans le cadre de la médiation numérique, l'ergonomie est pourtant cruciale d'un point de vue médical. Pourquoi, paradoxalement, n'en parle-t-on jamais en dehors des contextes d'accueil du public en situation de handicap ?

Plutôt que de maintenir l'ergonomie dans le registre du non-dit, je recommande au contraire de l'aborder avec pédagogie auprès de l'ensemble des bénéficiaires que l'on accompagne en ateliers.

Puisqu'il y a encore des confusions en la matière, faisons le point sur comment créer un environnement numérique ergonomique!

Le numérique, source reconnue de troubles médicaux

Suite à la période de confinement due au Covid, de nombreux professionnels de santé ont été confronté à une recrudescence des consultations liées à des pathologies causées par la sédentarité accrue par le numérique.

L'adoption de mauvaises postures face à l'ordinateur a notamment été identifiée comme l'une des causes principales de cette augmentation des cas (travailler face à l'écran depuis son canapé, sur un coin de table de cuisine, depuis le fond de son lit, etc.).

Or, ces problématiques de santé n'ont rien d'exceptionnel et ne se limitent pas au contexte pandémique de l'époque : elles sont récurrentes depuis des années parmi les professionnels qui travaillent sur ordinateur, à domicile ou au bureau.

Au-delà des problèmes de postures individuelles, les défauts d'ergonomie de nos environnements de travail sont pointés du doigt.

Aborder l'ergonomie en ateliers de médiation numérique

Les ateliers pour grands débutants avec l'informatique sont l'occasion de cerner à quel point le positionnement face à un ordinateur ou à un bureau ne va pas de soi.

Il est courant de voir une personne repousser son siège vers l'arrière (ce qui l'oblige à se pencher vers l'avant), de river ses yeux trop près de l'écran, de placer le clavier trop loin de soi sous prétexte d'avoir un cahier à portée des mains, de repousser le tapis de souris sur le côté de telle façon qu'il faut tendre le bras pour la mouvoir, etc..

Les possibilités d'adopter une mauvaise posture pour une raison ou une autre sont quasi illimitées - et, surtout, se cumulent entre elles. Enfin, cela se transforme vite en 'mauvaises habitudes' qui, une fois acquises, seront délicates à corriger.

En pratique, les ateliers de médiation numérique mettent l'accent sur la capacité technique à taper au clavier, à cliquer avec la souris ou autres compétences informatiques. La posture du corps confronté à ces objets, laissée à l'appréciation de chacun et de chacune, n'est que rarement évaluée par les animateurs, qui, pourtant, sont aux premières loges pour l'observer.

Les interventions en lien avec l'ergonomie et le corps constituent une pratique marginale, pour ne pas dire délaissée.

Enfin, rappelons ici que les structures de médiation n'ont pas toujours la capacité financière d'investir dans un équipement ergonomique. Elles doivent composer avec le matériel 'classique' à leur disposition et à celle du grand public.

Ainsi, pour des raisons économiques, l'ergonomie se transforme en impensé de façon structurelle.

Perspective critique sur le manque d'ergonomie

La matériel conçu de façon ergonomique est plus onéreux que le matériel grand public, notamment en raison d'un design plus abouti et de choix de matériaux différents. Cela revient à admettre que l'ergonomie constitue une valeur ajoutée, voire une forme de luxe, alors qu'elle devrait être (dans un monde idéal) l'essence même de la conception de l'équipement technique. De façon curieuse, ce choix industriel n'est guère remis en question, alors même que cela favorise l'apparition de multiples pathologies.

Dans la majorité des cas, les individus envisagent de remplacer leur matériel informatique inadapté par du matériel ergonomique APRÈS avoir eu des problèmes de santé.

On admet dès lors que la normalité de l'environnement numérique (tel qu'il est généralement conçu ou mis en place) est fondamentalement inadapté à nos contraintes biologiques.

Les recommandations des professionnels de santé en matière d'ergonomie du poste de travail

On passe de nombreuses heures assis devant son ordinateur, de la même façon que l'on peut se trouver à passer de longues périodes dans l'habitacle d'une voiture.

Il est donc important d'aménager son poste de travail pour éviter des mauvaises postures et prévenir certaines douleurs (cervicalgie, lombalgie, tendinite, douleur d'épaule, du coude ou du poignet, sciatique...). Celles-ci doivent être interprétées comme autant de signes qui traduisent une mauvaise posture.

La posture assise devant l'écran

Devant un ordinateur fixe, on adopte souvent une bonne posture au départ, mais on a vite fait de se laisser aller et de courber le dos.

Une posture neutre (et idéale) devant son ordinateur se présente comme ceci :

Avoir une posture adéquate est indispensable, mais il ne faut pas oublier de rester actif, et donc de se lever et de marcher dans la journée, ou de faire des mouvements. Il faut comprendre qu'aucune posture n'est idéale sur le long terme : l'être humain n'a pas évolué pour demeurer immobile. Le mouvement et la mobilité sont les clés pour une bonne circulation sanguine et réduisent le risque de blessures ou d'apparition de douleur.

Travailler sur PC portable nécessite une vigilance accrue en ce qui concerne la posture. L'utilisateur a vite fait de s'installer sur une table qui n'est pas à la bonne hauteur, se vautrer dans un canapé inadapté, etc..

Comment améliorer l'ergonomie au travail ?

Voici quelques pistes à considérer lorsque l'on passe beaucoup de temps sur ordinateur et que l'on vise une bonne posture.

Ajuster les réglages de son fauteuil et alterner les tâches (taper sur le clavier, écrire à la main, marcher, se mettre debout...) le plus souvent possible constitue une première étape vers l'ergonomisation de son mode de vie numérique.

Ergonomie : la posture assise idéale

Les cuisses sont horizontales et le poids bien réparti entre l'avant et l'arrière de la chaise (entre les fesses et les genoux). La personne assise n'est ainsi ni trop sur le bord ni trop au fond du siège, et bénéficie d'un bon équilibre.

Les pieds sont posés à plat au sol, quitte à régler la hauteur du fauteuil. Au cas où cet ajustement ne serait pas possible, la technique la plus simple est d'utiliser un repose-pied, qui permet d'avoir les deux pieds posés sur un support stable.

Le dos est droit, avec éventuellement un support au niveau lombaire pour favoriser la cambrure naturelle du bas du dos (la lordose lombaire). L'individu doit pouvoir être assis contre le dossier sans que l'assise du siège compresse l'arrière des genoux (si le siège est trop profond, il suffit d'ajouter un coussin au niveau du bas du dos).

Les épaules sont relâchées, les avant-bras sont à l'horizontale et juste posés sur le bureau. Si le fauteuil a des accoudoirs, ils doivent être à la même hauteur que le bureau, de façon à éviter qu'ils ne rehaussent les épaules ou créent de l'inconfort.

Bien positionner le clavier d'un PC

Les coudes sont près du corps, pliés à 90°, les avant-bras au repos ; on place alors le clavier sous les mains. Il s'agit de la distance optimale. Si le clavier est trop loin ou trop proche, on met en tension les lombaires et les épaules - avec risque de douleurs.

Les poignets ne doivent pas être pliés vers le bas ou le haut, il est donc recommandé de ne pas surélever le clavier afin d'éviter une posture inconfortable.

Il existe des claviers ergonomiques, conçus pour faciliter la saisie rapide et réduire les tensions musculaires ou articulaires. Leur forme peut néanmoins dérouter.

L'avantage de la souris ergonomique

Tout comme le clavier, la souris doit être à la distance optimale du corps, sur le côté du clavier. La position est similaire, quoique légèrement décalée. On évitera en conséquent de la placer trop loin de soi.

La forme des souris ergonomique déroute souvent les publics, y compris les profils à l'aise avec le numérique. Il s'agit d'un biais de représentation : l'imaginaire collectif a ancré la vision de la souris 'classique' comme LA référence cognitive.

La différence majeure entre les deux sortes de souris est la suivante :

• Une souris classique, parce qu'elle est horizontale, nécessite une torsion de l'avant-bras (susceptible d'entraîner des tendinites, par exemple). Le placement du pouce ne facilite pas la préhension, qui repose sur la combinaison pouce-annulaire.
• Une souris ergonomique, parce qu'elle est verticale, se rapproche de l'usage d'un stylo ou d'un crayon - ce qui évite la torsion de l'avant-bras et réduit les tensions. Le placement du pouce favorise la préhension pouce-reste des doigts.

Comment bien positionner son écran d'ordinateur

La distance optimale de l'écran est d'une longueur de bras main tendue. L'écran doit être en face, et non sur le côté.

Si l'écran est, malgré tout, sur le côté, privilégier un fauteuil qui tourne de manière à toujours être en face de l'ordinateur et au clavier sans avoir à tourner la tête ou le dos pour éviter les torsions répétitives de la nuque du même côté.

Le haut de l'écran est à hauteur d'yeux , le reste de l'écran se situe donc légèrement en dessous pour ne pas entraîner d'inconfort au niveau du cou. Ne pas avoir l'écran trop haut évite de forcer sur les cervicales.

Régler la luminosité de l'écran

Pour éviter de fatiguer les yeux, penser à régler la luminosité de l'écran et éviter au maximum d'avoir un écran trop lumineux. Il faut pour cela se rendre dans les paramètres de l'ordinateur, ou utiliser les raccourcis claviers.

La fatigue oculaire est un trouble récurrent parmi les professionnels qui passent de longues heures sur ordinateur. Faire des pauses régulièrement pour reposer les yeux permet de la réduire, et favorise la récupération. Se forcer lors de ces pauses à fixer un point dans le lointain permet de réajuster la vision. De manière globale, mieux vaut éviter de fixer trop longtemps l'écran.

Il est également important de ne pas avoir de reflet sur l'écran (à cause d'une fenêtre ou d'une lampe), ce qui peut être éblouissant et gênant pour les yeux.

Adopte des techniques d'ergonomie pratiques et faciles à mettre en place

Il est recommandé de bouger régulièrement : se lever, marcher, faire des exercices de respiration, bouger les bras, les jambes, le cou et le dos, et ne pas oublier de bien s'hydrater tout au long de la journée (privilégier l'eau à la place du thé ou du café qui ont tendance à déshydrater le corps).

Dans cette optique, s'accorder (ou s'imposer) une pause de 5 minutes toutes les heures permet de compenser en partie le manque d'ergonomie du matériel.

Enfin, le simple fait d'aérer régulièrement la pièce, de limiter l'utilisation de la climatisation et de ne pas orienter les ventilateurs face au visage contribue à créer un environnement sain pour l'individu.