⛵ La dégafamisation mise en pratique : point d’étape n° 1

Comment réussir une stratégie de dégafamisation au niveau personnel ? Je fais le point avec vous sur la manière dont je m’affranchis des grandes corporations de la société numérique.

⛵ La dégafamisation mise en pratique : point d’étape n° 1
Photo by Adam Al Hafizh / Unsplash

À quel moment exact ressent-on le besoin d’accorder les paroles et les actes ? La question peut paraître triviale, pourtant il s’agit d’un enjeu de taille lorsqu'on œuvre dans la médiation numérique. Difficile en effet de sensibiliser le public aux problématiques de protection des données quand on est soi-même exposé à des outils critiqués en la matière, vous en conviendrez. Pour remédier à cette contradiction, j’ai pris récemment la décision de m’affranchir en bonne et due forme des services des GAFAM que j’utilisais jusqu’à présent, et d’analyser à quel point cela est réalisable.

Je vous propose d'aborder ce qu’est la dégafamisation, comment se lancer dans une telle démarche et le point d’étape où je me trouve à ce sujet.

Dégafamisation des usages numériques

Rappelons ici que la dégafamisation signifie la réduction, voire l’abandon des services numériques fournis par les entreprises réunies sous l’acronyme de GAFAM. En l’occurrence, il s’agit de Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft.

Pourquoi vouloir dégafamiser ?

Pour les curieuses et curieux, Framasoft a lancé une campagne de communication sur le sujet, notamment Degooglisons Internet.

On peut néanmoins résumer la situation de la façon suivante : les géants du web, qui sont des groupes privés, jouissent d’un monopole technique, économique, culturel et politique. Il s’agit d’une forme de domination sur nos sociétés (Éric Sadin utilise le terme de « Technopouvoir » dans son excellent ouvrage « La vie algorithmique – Critique de la raison numérique »), en dehors de tout processus démocratique.

Framasoft évoque quatre problèmes majeurs pour la liberté dus aux GAFAM :

  • L’instauration d’un capitalisme de surveillance
  • D’innombrables dérives démocratiques
  • La fermeture sur une seule vision de société
  • La centralisation des données et des attentions

Prendre conscience de ces enjeux de domination invite à s’interroger sur nos libertés réelles dans l’environnement numérique, ainsi que sur nos dépendances à des services ou produits administrés par ces entreprises. Il s’agit d’un écosystème que l’on peut qualifier de « toxique » à niveau sociétal et individuel.

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Quitter les GAFAM est une manière de reprendre le contrôle sur ses usages numériques ; on parle d’empowerment. Cette démarche peut être liée à un choix militant, mais aussi constituer un simple choix technique.

Au vu du manque de respect flagrant des données personnelles des GAFAM depuis des années et d'une évolution de ma part en faveur d’un alternumérisme, je prends donc le parti de m’extraire de ce format de domination.


Comment sortir de l’emprise des GAFAM ?

Les stratégies varient pour réussir sa dégafamisation, mais l’approche générale peut se résumer comme suit :

  1. Dresser le bilan de ses usages numériques liés aux GAFAM,
  2. Identifier les services dont on peut se passer,
  3. Identifier des alternatives aux services dont on a besoin,
  4. Supprimer les services inutiles,
  5. Transiter des services proposés par les GAFAM vers leurs équivalents alternatifs,
  6. Supprimer les services GAFAM qui ont bénéficié d’une transition (pour éviter d’y revenir),
  7. Réduire au strict minimum ce dont on ne sait pas encore quoi faire.

Comme vous vous en doutez, mener à bien une telle transition peut prendre du temps, et dépend de la volonté de chaque personne à accomplir cette démarche.


État des lieux de ma stratégie de dégafamisation

Plutôt que d’aborder la question de façon théorique, je vais dresser ici un état des lieux de ma propre stratégie de dégafamisation. Cela donnera des indications pratiques à quiconque souhaiterait se lancer à son tour dans une telle démarche.

Google : réduire les services au strict minimum

Parmi les GAFAM, je constate que les services déployés par Alphabet sont certainement ceux auxquels je suis le plus exposé au quotidien.

Quitter le moteur de recherche Google

Cela fait des années (depuis 2014, soit l’époque de mes débuts dans le webmarketing) que j’ai cessé de mobiliser Google comme moteur de recherche principal. J’utilise ainsi diverses alternatives afin de varier les résultats (Qwant, DuckDuckGo, Startpage, Yandex...), et sollicite Google de façon vraiment exceptionnelle.

Quitter Gmail pour Proton

Je dispose d’une vieille adresse gmail officielle, qui centralise la majorité de mes communications par courriel. Je m'en sers au quotidien pour accéder à mes mails, user du Drive (délaissé sauf pour des documents partagés) et YouTube (voir plus bas). Je n’utilise guère le reste des applications proposées, et privilégie déjà maintes alternatives.

Au-delà des questions de dégafamisation, j’ai un problème de sécurité avec cette adresse courriel : elle fait partie d’au moins quatre fuites de données massives, comme j’ai pu le constater avec HaveIBeenPwned. La modification d’identifiants et mots de passe sur les sites où je suis inscrit a été faite pour remédier à cela, néanmoins je demeure exposé. La meilleure solution est donc à terme d’abandonner ce mail pour un autre.

C’est l’occasion rêvée pour sortir de l’écosystème mis en place par Google. D’ici la fin août, j’opèrerai ma migration définitive vers Proton, dont j’expérimente les services depuis un peu plus d’un an. Il suffira ensuite de modifier mes multiples logins sur les sites internet où je dispose d’un compte.

Maintien du compte YouTube

En fin de compte, le seul élément lié Google auquel je suis vraiment attaché est mon compte YouTube. En dépit des critiques que l’on peut adresser à Alphabet, la plateforme de vidéos en ligne a permis l’apparition de vidéastes dont les créations me plaisent et m’instruisent depuis des années. Dans l’immédiat, faute de considérer PeerTube comme une alternative pertinente à 100 %, je conserverai mon accès à cette partie de la galaxie Alphabet.

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Freetube et NewPipe sont des solutions envisagées pour parvenir à cet objectif.

Faut-il désinstaller Android ?

J’utilise au quotidien un smartphone Blackview, qui fonctionne avec Android (donc géré par Alphabet) et lié à mon Gmail. Sauf à vouloir tomber dans les bras d’Apple, je suis en l’état actuel des choses contraint de maintenir son usage, car il n’existe pas de ROM disponible pour migrer vers Lineage ou tout autre OS alternatif pour smartphone. Je désinstallerai Android le jour où ce sera techniquement possible.

L’utilisation du magasin d’applications FDroid est, à ce stade, ma stratégie pour hacker à petite échelle l’écosystème Android. J’accorde en sus de cela une attention particulière aux applications que j’installe.


Amazon : supprimer son compte

J’ai acheté en ligne ponctuellement sur Amazon pendant une dizaine d’années, de 2007 à 2017. Il s’agissait surtout de CDs de musique (à l’époque où ce support demeurait la norme), de livres (pardon chers libraires) ou de matériel technique introuvable dans les commerces de proximité. Durant cette phase, j’ai poussé le vice jusqu’à mettre en place des liens affiliés sur les deux sites successifs que j’ai édités – sans grand bénéfice par ailleurs. Rien d’extraordinaire ni d’excessif en soi.

Or, à bien y regarder, la période 2017-2019 (passée à voyager à l’étranger en tant que routard) constitue un moment charnière pour mes usages numériques. À mon retour, mes habitudes de consommation avaient définitivement changé. Certes, je n’ai jamais été un acheteur compulsif, toutefois le fait de vivre de façon nomade a renforcé mes tendances minimalistes. Ajoutez à cela une conscience éthique plus aigüe de l’impact négatif d’Amazon, tous les éléments étaient là pour faire une croix sur cette entreprise.

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Changer d’habitudes de consommation facilite et encourage naturellement la transition vers d’autres fournisseurs ou plateformes e-commerce, de préférence plus responsables.

J’ai donc supprimé mon compte Amazon peu de temps après être rentré en France, à la fin 2019. Aujourd’hui, quatre ans plus tard, financer la compagnie de Bezos ne me manque absolument pas.


Apple : une marque que je n’ai jamais adoptée

Dans le cas de la marque à la pomme, le choix de dégafamiser est extrêmement facile : je n’ai jamais investi le moindre sou dans leurs produits. Vous me passerez l’expression, mais on peut dire que je suis « vierge d’Apple ».

Est-ce l’héritage du vieux débat (quasi idéologique) entre PC et Mac qui prévalait lors de la démocratisation de l'informatique grand public ? La chose est possible, et je maintiens mes critiques de l’époque concernant l’environnement fermé élaboré par Apple. J’admets tout au plus que ce sont de beaux produits, que le design est de qualité et que la politique de respect des données personnelles d’Apple est vaguement mieux que chez les autres GAFAM.

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Dans tous les cas, il s’agit d’une victoire facile, qui prouve un point : comme pour les addictions, le meilleur moyen de ne pas tomber dans l’influence des GAFAM reste encore de ne jamais commencer.

Microsoft : migrer vers Linux ?

J’utilise Windows depuis mes débuts avec l’informatique sur le PC familial. Autant dire que ma vision et mes compétences numériques sont étroitement liées à cet écosystème logiciel et à ce système d’exploitation. Cela est d’autant plus vrai qu’à niveau professionnel, les solutions développées par Microsoft sont la norme avec laquelle je dois composer – ne serait-ce que pour pouvoir collaborer avec mes clients, mes publics ou partenaires. Considérant cette contrainte, je ne peux pas faire l’impasse sur Microsoft, ou, du moins, pas totalement.

À ce stade, j’envisage une transition d’ici la fin de l’année vers une distribution Linux, tout en conservant Windows (soit en dual boot, soit en machine virtuelle). J’hésite encore entre Qubes, Kali ou PopOS ; à voir par la suite. La transition sera donc partielle.

Le cas Linked'In

Il n’aura échappé à personne que je dispose d’un compte Linkedin pour communiquer, or ce réseau social est possédé par Microsoft. Pour l’heure, il n’est pas prévu de le supprimer, mais je reconsidérerai la question dans l’avenir.


Facebook/Meta : exorciser le fantôme

La création de mon compte Facebook remonte à 2007, durant ma période étudiante, alors que le service émergeait et que la logique des réseaux sociaux démarrait. Je m’en suis néanmoins lassé progressivement, et mes connexions à la plateforme sont devenues de plus en plus courtes et irrégulières. Ma phase de déconnexion globale à l’étranger de 2017 à 2019 a entériné cette dynamique : je suis ainsi passé d’une session mensuelle sur Facebook à une session annuelle, voire moins. C’est dire l’utilité que je trouve à ce site par rapport à mes usages numériques.

Aujourd’hui mon compte existe toujours, toutefois il a été vidé de l'essentiel des contenus que j’avais postés depuis sa création. Bref, je l’ai réduit à l’état de compte fantôme. Il sera désactivé, puis supprimé sitôt que je me serai assuré de pouvoir recontacter par d’autres moyens les multiples personnes auxquels je ne peux m’adresser que par ce médium. C’est d’ailleurs ce frein psychologique qui empêche une majorité de gens de quitter l’environnement Meta. En tous les cas, je table sur un abandon définitif d’ici la fin de l’année 2023.

Abandonner l’application Messenger

On peut désactiver son compte Facebook et continuer d’utiliser Messenger sur smartphone pour parler à ses contacts. Or, à deux-trois exceptions près, plus personne de mon réseau ne se sert de Messenger. Supprimer l’application en bonne et due forme ne changera pas grand-chose. Cela sera fait dans la foulée de ce qui précède.

Faut-il conserver Whatsapp ?

Difficile de convaincre l’intégralité de mon entourage à adopter Telegram ou Signal (entre autres alternatives), alors que WhatsApp (propriété de Meta) est la solution la plus répandue autour de moi. Dans la mesure où les communications sont chiffrées, je peux composer avec, néanmoins je privilégie d’autres applications dès que j’en ai la possibilité.


Bilan de ma dégafamisation à l’été 2023

Sur cinq mastodontes du web, il y en a deux sur lesquels je peux d’ores et déjà crier victoire : les deux A (Apple et Amazon). Mon compte Facebook est proche de la mort cérébrale, et devrait basculer dans le néant sous peu. Google est en phase de dégraissage grâce à une migration vers les services Proton. Quant à Microsoft, les solutions sont identifiées, mais c’est un gros morceau qui va prendre un peu plus de temps.

Le bilan est, au bout du compte, plutôt positif. Certes, je n’en ai pas fini, toutefois je pense pouvoir dire que j’en suis à un score de dégafamisation de 3/5. Je m’accorde jusqu'à la fin de l’année pour achever cette transition, et referai un point avec vous d’ici l’été 2024.


Et vous, où en êtes-vous de votre relation aux GAFAM ? Quelles sont les alternatives que vous avez retenues ?

Cet article est diffusé par l'infolettre de Florent Salem. Ces publications sont l'occasion de mettre en perspective notre rapport humain aux technologies numériques, mais aussi d'explorer diverses thématiques qui m'importent.

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