📌 Corriger ses fautes de français avec des outils de correction de texte

Je doute d’être le seul médiateur numérique confronté aux problèmes linguistiques de mes apprenants. Chaque formation sur l’email ou le traitement de texte est une occasion supplémentaire de constater les difficultés liées à la langue française du grand public. Ceci engendre une inquiétude légitime de ma part, car ces difficultés génèrent des discriminations supplémentaires alors que beaucoup de mes bénéficiaires souffrent déjà d’une forme ou d'une autre de précarité.

Or, fait amusant, les personnes que j’accompagne ignorent que j’exerce en parallèle une activité de relecteur-correcteur (mon métier initial) dans une relative discrétion. Autant dire que je suis très sensible à ce que mes apprenants écrivent et à comment ils l’écrivent, mais, ne pouvant mélanger les genres, je dois me retenir de saigner des yeux devant les erreurs commises. Sans doute est-ce le prix à payer pour conserver une identité secrète; les héros d'histoires d’espionnage me réconforteront sur ce point.

Cela étant posé... N’est-ce pas le rôle des médiateur.ice.s de faire monter leurs publics en compétences? Déformation professionnelle oblige, j’ai trouvé sur ce sujet un intéressant point d’intersection entre mes deux métiers: comment intervenir de façon à réduire à la fois la fracture numérique et le nombre de fautes?

Je partage donc avec vous aujourd’hui un tour d’horizon des outils de correction de texte utilisés dans le milieu de l’édition, les solutions émergentes à base d’intelligence artificielle, le tout agrémenté de réflexions et suggestions à ce sujet.

(Aucun des liens présents dans cet article ne fait l’objet d’un placement publicitaire. Les avis exprimés n’engagent que moi.)

Logiciels de correction de texte pour l’édition

Si vous m’interrogez en tant que lecteur-correcteur sur les outils adaptés pour corriger du texte, je me tourne spontanément en premier lieu vers les logiciels professionnels plébiscités en maisons d’édition, dans la presse ou la rédaction web. À ce jour, ce milieu s’appuie surtout sur:

• Antidote
• Cordial
• Le Robert Correcteur
• ProLexis

Sauf Cordial (qui fonctionne par algorithme et se rapproche de l’IA, mais j’en parle plus loin), le rôle premier de ces logiciels de correction consiste à signaler les phrases et mots mal employés. Des propositions de réécriture sont alors indiquées à l’utilisateur désireux d'améliorer le texte.

J'use d'Antidote depuis des années, et, hormis ses accès de faiblesse quand il faut s’attaquer à des documents de plus d’une centaine de pages, je peux confirmer son efficacité. Quant à ProLexis, il s’agit de la Rolls Royce (ou la Tesla, si on veut moderniser l'expression) des logiciels de correction, ce qui en fait le favori des professionnels de l’édition. Les services éditoriaux se tournent donc naturellement vers l'une de ces deux options.

Du côté des solutions à destination du grand public, Le Robert Correcteur et Cordial l’emportent. Le premier est une version simplifiée de ProLexis, tandis que le second est souvent retenu par les entreprises dont le cœur de métier n’est pas la création de contenus.

Pourquoi je déconseille ces outils en médiation numérique

Je dois cependant émettre un bémol concernant l’emploi de ces logiciels dans le cadre de la médiation numérique. Au-delà de la question de leur prix (souvent inabordable pour des personnes précaires), ils exigent une connaissance préalable des règles de la langue française pour effectuer une correction digne de ce nom.

Permettez que je m’explique.

Quand on utilise ces programmes, les erreurs sont signalées et des suggestions de réécriture sont proposées. À ce stade, tout le monde est content. En revanche, dès qu’il s'agit de choisir entre plusieurs options (par exemple lorsque la faute tient davantage de la formulation que de l’orthographe), seuls des individus rompus a minima aux subtilités de grammaire, d’orthographe et de conjugaison vont savoir laquelle convient.

Ne voyez aucun élistisme à ce propos: je suis d'avis que n'importe qui peut s'en tirer avec les honneurs dès qu'il y a un semblant d'attrait et de connaissances au sujet des lettres. La fonction de correcteur implique juste que ces compétences ont été approfondies pour en faire un métier - rien de plus.

Or, un public en situation de difficulté linguistique a besoin d’un outil capable de corriger ses erreurs de fond en comble. Un outil qui l’abandonne au milieu du gué, avec, sur les bras, une tonne de modifications en attente dont il ignore que faire, est d'un intérêt douteux.

Que ce soit pour une question de prix ou de facilité d'usage, proposer ces outils numériques me semble peu stratégique pour un médiateur – à moins d’animer un atelier d’écriture à destination de profils déjà autonomes.

Adopter une autre logique s'impose.

Outils de correction automatique de texte par intelligence artificielle

Considérant ces freins à l’adoption de tels logiciels par le public, j’ai cherché des solutions plus accessibles pour la majorité. Une réflexion en entraînant une autre, je me suis retrouvé à lorgner du côté des outils de correction de texte par intelligence artificielle.

Différence entre logiciels de correction de texte avec ou sans IA

Pour comprendre la différence entre les logiciels dont j’ai parlé en première partie et ceux qui se basent sur l’IA, je vous invite à lire « Contrôler n’est pas corriger » d’Étienne Monneret (développeur et expert IA derrière Neurospell).

Cette différence de fonctionnement y est exprimée de la façon suivante :

Logiciel traditionnel
1) Analyse grammaticale (verbe, nom, adjectif, etc.)
2) Détection d’incohérences lexicales et grammaticales (dictionnaires, règles écrites à la main, modèles statistiques)
[...]
Logiciel avec IA
1) Évalue toutes les manières de réécrire chaque mot ou groupe de mots d’une phrase (les variations possibles doivent être définies ou collectées)
2) Produit la forme écrite la plus statistiquement probable en prenant en compte la plausibilité statistique de la phrase à corriger (seuil de décision ajustable)

Sélection d’outils de correction de français avec intelligence artificielle

Il existe une certaine diversité d’intelligences artificielles consacrées à la correction de texte, toutefois une bonne majorité s’adresse à un public anglophone. Je me limite donc ci-dessous aux versions multilingues et francophones disponibles. D’autres options existent, qui seront ajoutées un jour (ou pas) à cette sélection.

Tous ces outils numériques ont un modèle freemium, ils peuvent être utilisés gratuitement lors d’ateliers pédagogiques liés au traitement de texte.

Maintenant se pose la question à 1000€: quel outil choisir? Parce que c’est bien mignon de proposer des listes, mais encore faut-il aider à la décision. Du moins, c’est ce que me dirait une équipe marketing si ses membres lisaient cet article.

En pratique, si on se contente d’un usage basique et gratuit, m'est avis qu’on peut opter pour n’importe lequel – en tout cas à ce stade d’avancement technique des IAs. La technologie mobilisée est proche d’un logiciel de correction à l’autre; ce sont surtout les LLMS (langages de modèles) qui varient, ainsi que l’ergonomie et le webmarketing déployé autour. Les différences m'apparaissent minimes quant à la qualité de correction; seules les propositions de réécriture sont susceptibles de changer. De fait, j’ai beau utiliser Language Tool depuis des années avec satisfaction, je pourrais sans aucun problème migrer vers ses concurrents, ou jongler entre plusieurs à la fois.

Dans tous les cas, je reconnais que la performance est au rendez-vous. Les créateur.ice.s de ces programmes ne tentent pas de nous vendre des vessies pour des lanternes, et, à titre personnel, je trouve ça appréciable. Surtout au vu de la quantité de contenus rabâchés sur l’IA ad nauseam.

Quels correcteurs d'orthographe et de grammaire sélectionner pour la médiation numérique?

Je recommande de choisir les plus adaptés pour l’utilisateur. Ajouter des extensions pour navigateurs ou pour logiciels peut constituer un frein technique insurmontable pour certains: il vaut mieux dans ce cas miser sur une activité pédagogique directement sur le site web de l’IA retenue. Dans le même ordre d’idées d’émancipation par le numérique, sélectionner une solution déclinée au format d’application smartphone est préférable. Reverso, Write et Merci-App me semblent donc à privilégier.

Humains versus IA: Quel avenir pour le métier de correcteur?

Lorsque ChatGPT a été ouvert au public l’hiver dernier (en 2022), une certaine fébrilité s'est déclenchée dans le milieu de la rédaction et de la correction par rapport à l’IA. La pérennité de ces métiers obnubilait tous les esprits, et de multiples initiatives managériales continuent d’alimenter le débat un an après.

• https://www.francetvinfo.fr/internet/intelligence-artificielle/courbevoie-une-entreprise-supprime-217-emplois-remplaces-par-l-intelligence-artificielle_6064440.html
• https://www.letemps.ch/economie/groupe-medias-allemand-axel-springer-invoque-lintelligence-artificielle-supprimer-postes
• https://www.ladn.eu/non-classe/chatgpt-ma-tuer-il-sest-fait-piquer-son-job-par-une-ia/

Côté écriture, on peut dire que ça s’annonce peu brillant, sauf pour celles et ceux qui offrent une vraie valeur ajoutée – comprenez par là une réelle créativité. Tous les articles purement factuels où l'on peut se passer d'interprétation peuvent désormais être confiés à l'IA. À bien y réfléchir, ce n’est peut-être pas si mal.

À mon sens, il en va de même pour ce qui est de la correction de textes.

On peut automatiser le processus de relecture et obtenir un résultat propre, efficace, voire plaisant, néanmoins l’intelligence artificielle, en raison de son fonctionnement, lisse le document final. Comme nous l’avons vu, ce sont en effet les mots les plus probables qui sont sélectionnés, alors que le style et le ton d’un auteur reposent sur sa capacité à opter pour des tournures inhabituelles. Les correcteurs humains s’attachent à préserver cet effet, qu'au contraire l’IA va gommer à cause d'un écart (trop) prononcé vis-à-vis de la norme.

On entre ainsi de plain-pied dans l’ère du choix entre favoriser un contenu « générique » ou un contenu « original ». Souhaitez-vous une métaphore douteuse pour expliciter le principe ? Si je vous invite à ma table et suggère, pour confectionner des lasagnes maison, un pot de sauce tomate de grande surface ou ma recette personnelle qui allie sauce béchamel et curry, dit « béchurry » (plus diététique que le nom ne le laisse supposer), votre sélection m’en dira long sur votre approche gastronomique...

Aider le public à corriger les fautes d'orthographe et de grammaire

Pour celles et ceux qui désirent corriger leurs textes ou offrir des solutions aux publics qu’ils accompagnent, je résumerai comme suit:

• Pour une correction simple (orthographe seule) ou pour des documents où l'originalité n’est pas le maître mot, mobiliser des IAs constitue une option intéressante au même titre que le correcteur de base intégré aux logiciels de traitement de texte.
• Pour corriger des textes professionnels, l’IA est pertinente, mais une vigilance accrue est indispensable. On peut aussi faire appel à un avis professionnel.
• Pour corriger des textes d’écriture créative et les faire rentrer dans le moule, l’IA conviendra à merveille pour peu qu’on vérifie ses productions. On peut faire appel à un avis professionnel.
• Pour corriger des textes d’écriture créative et conserver leur singularité, mieux vaut utiliser des logiciels qui laissent à l’utilisateur le choix de la correction à accomplir, ou faire appel aux services d’un.e professionnel.le, capable d'arbitrer ces décisions.

🎁 Pour celles et ceux qui voudraient approfondir la question et dynamiser leur approche de la correction de textes, l'article bibliographie idéale du relecteur-correcteur est disponible sur le site.

📚 Bibliographie pour le métier de relecteur-correcteur

Pour exercer le métier de relecteur-correcteur et s’assurer d’une maîtrise linguistique optimale, je vous propose ici une bibliographie de référence.

Florent SalemFlorent Salem