đŸ€– Manifeste personnel sur l’Intelligence Artificielle

Faut-il ou non utiliser l’intelligence artificielle ? Est-ce Ă©thique ? J'expose ici quelques rĂ©flexions sur les tenants et aboutissants de cette technologie qui sature l’espace mĂ©diatique, afin de clarifier ma position en tant qu'indĂ©pendant du numĂ©rique... Et t'aider Ă  faire de mĂȘme.

đŸ€– Manifeste personnel sur l’Intelligence Artificielle

Pour toi, l’Intelligence Artificielle, est-ce bien ou mal ?

La question a beau sembler triviale, elle hante les dĂ©bats contemporains sur l’intelligence artificielle. Chacun est sommĂ© de se prononcer sur la dimension Ă©thique, politique et morale de cette technologie ; bref : de prendre position.

C’est particuliĂšrement vrai dans les rĂ©seaux de la crĂ©ation web, de la formation et de la mĂ©diation numĂ©rique, oĂč le militantisme est fort et structurĂ© – avec les querelles de chapelles qui vont avec.

Faut-il utiliser ou bannir l’IA ? Comment en parler aux publics ou clients que l’on accompagne ?

Puisque les rĂ©ponses manquent parfois, le manifeste personnel qui va suivre vise un double objectif :

  • Te permettre de disposer d’assez d’élĂ©ments critiques sur l’IA pour te forger ta propre opinion.
  • Clarifier mon propre positionnement en tant qu’acteur du numĂ©rique.

ApprĂ©hender la nature duale de l’IA

Dans la mesure du possible, je te recommande une approche pragmatique, minimaliste et critique de l’IA, comme pour n’importe quelle technologie numĂ©rique. Tes biais Ă©ventuels doivent ĂȘtre pris en considĂ©ration.

Telle que je la comprends et l’interprĂšte Ă  partir des informations Ă  ma disposition, l’IA est la technologie de Schrödinger par excellence.

N’en dĂ©plaise Ă  ses adeptes et Ă  ses adversaires, elle n’est pas neutre ; elle n’est ni bonne ni mauvaise en soi, mais s’avĂšre les deux Ă  la fois.

đŸȘ›Argument NeutralitĂ© de la Technique vs Chat de Schrödinger
Renouveler l’approche de la technologie numĂ©rique dans le dĂ©bat public.

Faut-il avoir peur de l’IA ?

Soyons francs.

Voire un peu brutaux.

Pour ne pas dire expéditifs.

Il y a d’autres urgences plus pressantes.

Avec une trajectoire climatique annoncĂ©e Ă  +3°C d’ici 2100, la montĂ©e en puissance des inĂ©galitĂ©s et des extrĂȘmes politiques, plus la chute actuelle de la biodiversitĂ©, l’IA ne mĂ©rite guĂšre de figurer parmi les sources d’anxiĂ©tĂ© principales pour l’avenir.

L’IA est un amplificateur, voire un rĂ©vĂ©lateur de tensions prĂ©existantes.

Peut-ĂȘtre est-ce plutĂŽt sur celles-ci qu’il faudrait agir en prioritĂ©.

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L’Intelligence Artificielle mĂ©rite, au mieux, le titre de source de prĂ©occupation mineure, ou de facteur aggravant d’autres problĂ©matiques. Ce qui, comprenons-nous bien, ne signifie pas qu’il faut l’ignorer pour autant.

L’IA est un nouvel outil au service du capitalisme productiviste, pas une rĂ©volution sociale

On l’oublie souvent, mais le numĂ©rique est avant tout et surtout une technologie de productivitĂ©. À partir du moment oĂč une tĂąche est dĂ©composĂ©e, puis automatisĂ©e, il devient plus aisĂ© de l’informatiser
 et, Ă  terme, d’ĂȘtre confiĂ©e Ă  une IA.

L’IA est rendue possible parce qu’il y a eu tout un processus prĂ©alable dans l’organisation du travail.

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L’IA offre une nouvelle surcouche productiviste Ă  des sociĂ©tĂ©s dĂ©jĂ  amplement informatisĂ©es.

On percute un banal phĂ©nomĂšne de prolĂ©tarisation, que Marx et ses successeurs ont abondamment illustrĂ© en guise de critique du capitalisme : un travailleur remplacĂ© par une machine est dĂ©possĂ©dĂ© de ses savoirs, connaissances et techniques.

D’oĂč de nombreuses anxiĂ©tĂ©s sur le sujet, comme Ă  chaque fois que l’outil productif est revisitĂ©.

On retombe sur un thĂšme dont j’ai dĂ©jĂ  traitĂ© : l’aliĂ©nation numĂ©rique.

đŸȘ AliĂ©nation NumĂ©rique: DĂ©finition, ComprĂ©hension, Analyse
Exploration d’une notion clef de la mĂ©diation numĂ©rique, souvent invoquĂ©e, rarement explicitĂ©e.

BlĂąmer l’individu qui se sert de l’IA est une excuse commode pour ne pas interroger la sociĂ©tĂ© qui le cerne.


L’Intelligence Artificielle gĂ©nĂ©rative n’est pas (encore) une technologie fiable

Paradoxalement, bien qu’elle soit un outil de productivitĂ© (ou du moins vendue comme tel), l’IA gĂ©nĂ©rative manque encore de fiabilitĂ©. Ces outils, qui fonctionnent trop souvent comme des boĂźtes noires et dont on ne peut Ă©tudier le fonctionnement, produisent encore trop de rĂ©sultats erronĂ©s ou fallacieux – mĂȘme si ça progresse Ă  vitesse grand V.

Les entreprises qui promeuvent l’IA, pour assumer, parlent d’hallucinations.

C’est presque poĂ©tique, mais il faut nommer un chat un chat.

Jouer sur la sĂ©mantique n’y change rien.

Une erreur reste une erreur.

L’IA est dĂ©fectueuse.

Ou trompeuse.

Tu ne peux pas faire 100% confiance à un outil défectueux.

Quand un humain hallucine, il est inapte Ă  faire la majoritĂ© de ce qu’on lui demande.

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ConfrontĂ©s Ă  des hallucinations/erreurs, il est nĂ©cessaire de nous interroger sur l’efficacitĂ© rĂ©elle de chaque outil IA... Et ce d’autant plus que l’informatique, en tant que science, vise la cohĂ©rence du traitement d’informations. S’agirait-il d’un mĂ©dicament, tu y rĂ©flĂ©chirais sans doute Ă  deux fois avant de le prendre.

Le dĂ©ploiement de l’IA n’est pas dĂ©mocratique, mais industriel et commercial

Si certains modĂšles d’IA sont dĂ©veloppĂ©s dans des centres de recherche ou de façon open-source (je pense Ă  Hugging Face), la majoritĂ© des outils IA aujourd’hui disponibles sont conçus et proposĂ©s par
 des entreprises privĂ©es.

In fine, il s’agit de vendre un produit (novateur ou non), et, à grand renfort de marketing, de l’imposer comme l’outil incontournable pour une tñche qui, auparavant, s’accomplissait sans.

L’idĂ©e est de remplacer le numĂ©rique actuel par un numĂ©rique dopĂ© Ă  l’IA.

Celles et ceux qui parviendront à instaurer un monopîle l’emporteront.

Tu la reconnais, la logique start-up Silicon Valley ?

💰
L’adoption progressive de la technologie d’IA par la population est un choix de consommateurs, de technophiles et de curieux. En aucun cas il n’y a eu de vote ou de dĂ©cision dans un cadre dĂ©mocratique quant Ă  son dĂ©ploiement dans la sociĂ©té 

Lorsqu’un outil universel n’est vraiment compris que par quelques milliers de techniciens dans le monde, la notion de « dictature des ingĂ©nieurs Â» (cf. Éric Sadin) prend toute sa force.

Il faut distinguer un outil voulu par la dĂ©mocratie et un outil dĂ©mocratisĂ© (ou en voie de l’ĂȘtre) par le marchĂ© Ă©conomique.


La régulation de l'Intelligence Artificielle est encore balbutiante

En l’absence de consensus dĂ©mocratique, les pro et anti IA s’écharpent aujourd’hui sur l’application d’une rĂ©gulation lĂ©gislative - en l’occurrence, le DSA. Les premiers se plaignent que la loi freine le progrĂšs (donc le potentiel Ă©conomique de leur nouveau business prometteur), tandis que les seconds considĂšrent nĂ©cessaire l’instauration de garde-fous.

Le dĂ©bat se poursuit encore Ă  l’heure actuelle.

Cela n’empĂȘche pas le dĂ©ploiement de l’IA.

Les ajustements viendront aprĂšs ?

Sans doute, en théorie.

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On retrouve une logique similaire à celle des technologies de surveillance, à savoir une intégration de processus technologiques sans débat, puis une acceptation et une régularisation a posteriori.

Par ailleurs, soyons rĂ©alistes : mĂȘme en cas de rĂ©gulations, il y aura toujours des hackers ou des usages outrepassant celles-ci, quitte Ă  ce que ces pratiques se dĂ©roulent sous le radar (ex : le dark web et cie).


Les consĂ©quences actuelles rĂ©elles de l’IA

Que sait-on aujourd’hui avec certitudes Ă  propos des effets de l’IA, une fois que l’on sort des paniques morales et de l’anxiĂ©tĂ© existentielle ?

Voici un petit florilĂšge (non exhaustif) d'Ă©lĂ©ments Ă  avoir Ă  l'esprit :

Effets négatifs connus et identifiés Effets positifs connus et identifiés
Exploitation humaine (notamment en Afrique) pour développer les modÚles Avancées technologiques et scientifiques
Augmentation de la consommation d’énergie dans le monde (nuclĂ©aire, etc.) Gain de productivitĂ© (relatif)
Augmentation de la consommation de ressources naturelles dans le monde (l’eau) Facilitation de l'automatisation de tĂąches Ă  faible valeur ajoutĂ©e
Création de contenus de type fake-news facilitée Création de nouveaux services digitaux
Utilisation militaire Facilitation de la recherche d'informations sur internet ou au sein d'un corpus important
ProblĂ©matiques de droits d’auteurs et copyright DĂ©mocratisation de certains outils (ex: crĂ©ation multimĂ©dia ou site web)
DĂ©possession des travailleurs de l’outil de production Assistance aux personnes en difficultĂ© ne disposant d'aucun autre interlocuteur que l'IA
Etc. Etc.
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D’un cĂŽtĂ©, une dĂ©gradation civilisationnelle. De l’autre, un gain marginal, hormis pour certaines entreprises (pas toutes), qui ne parviennent d’ailleurs pas Ă  prouver la rentabilitĂ© de leurs modĂšles. Et nous n’en sommes qu’au dĂ©but de l’apparition de l’IA au quotidien.

(Re)Lire l’IA à l’aune de la science-fiction

Les critiques et les tenants de l’IA sont-ils en train de se noyer dans un pĂ©diluve frelatĂ© ?

La littĂ©rature de science-fiction abonde en rĂ©cits oĂč l’intelligence artificielle est une rĂ©alitĂ© quotidienne pour la population, tout comme les cyborgs ou les robots. Cet imaginaire collectif existe, et irrigue un nombre consĂ©quent de rĂ©flexions sur ces sujets.

Pour en avoir lu une palanquĂ©e pendant des annĂ©es, je suis peu surpris par les dĂ©bats en cours, car nombre d’entre eux ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© abordĂ©s (avec une certaine prescience) par des auteurs SF de premier plan.

C’est d’autant moins surprenant lorsque tu dĂ©couvres que les grands patrons de la tech qui survendent l’IA se rĂ©fĂšrent Ă  ces derniers comme des influences de jeunesse. Cela leur est d’ailleurs reprochĂ© rĂ©guliĂšrement, car peu de gens souhaitent sombrer dans une dystopie.

Charles Stross (auteur de SF US reconnu) alertait dĂ©jĂ  Ă  ce propos en 2023, alors que l’Intelligence Artificielle Ă©mergeait Ă  peine.

Tech Billionaires Need to Stop Trying to Make the Science Fiction They Grew Up on Real
Today’s Silicon Valley billionaires grew up reading classic American science fiction. Now they’re trying to make it come true, embodying a dangerous political outlook

Réévalue l’IA par le prisme de la fiction

Va-t-on finir comme dans « Terminator Â» ou « 2001 : l’OdyssĂ©e de l’Espace Â» ?

Si tu souhaites sonder cet imaginaire SF, je te recommande plutĂŽt l’excellent film d’animation « Mars Express Â». À mon sens, il s’agit de la meilleure synthĂšse (et la plus rĂ©cente) sur ce Ă  quoi pourrait ressembler un quotidien partagĂ© avec des intelligences artificielles et des robots conscients.

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ComparĂ©e aux IA abordĂ©es en science-fiction (le modĂšle de l’IA forte), celles auxquelles nous avons droit aujourd’hui sont rudimentaires, voire prĂ©historiques. Dans cette perspective, je t’invite Ă  considĂ©rer la version actuelle comme une technologie encore balbutiante, pour ne pas dire immature. Elle doit Ă©voluer pour tenir les promesses de ses concepteurs.

Le progrĂšs scientifique et social peut passer par l’Intelligence Artificielle, et pourquoi pas ?

De façon pragmatique, envisage le futur comme si tu devais écrire un roman de SF.

Tant que l’IA est synonyme de progrĂšs scientifique, environnemental et social, alors elle mĂ©rite d’ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e.

AprĂšs tout, si une Ă©quipe d’ingĂ©nieurs parvient en 3 semaines Ă  crĂ©er un moteur qui, sans IA spĂ©cialisĂ©e, lui aurait pris plusieurs annĂ©es de conception, alors cette technologie fait la preuve de son potentiel.

LEAP 71 hot fires advanced aerospike rocket engine designed by computational AI | LEAP 71

Le mĂȘme raisonnement tient toujours en biologie, concernant la modĂ©lisation des protĂ©ines.

AlphaFold Protein Structure Database
AlphaFold Protein Structure Database

Il serait absurde, en termes de progrĂšs scientifique, de jeter aux orties un tel coup de pouce.

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À noter que dans les deux cas il s’agit d’outils spĂ©cialisĂ©s, et non d’IA grand public.

VoilĂ  pour la version positive, vendue par les VRP de l’IA – et Ă  laquelle on peut lĂ©gitimement aspirer.

En revanche, si son dĂ©ploiement conduit (par exemple) Ă  une sociĂ©tĂ© de contrĂŽle plus poussĂ©e qu’elle ne l’est aujourd’hui, le dĂ©ploiement de l’IA est susceptible de favoriser les plus vils penchants totalitaires. Ou faciliter l’émergence de drones lĂ©thaux autonomes, et toutes sortes d’engins mortels.

Les conflits rĂ©cents (par exemple Gaza) illustrent d’ores et dĂ©jĂ  l’appropriation de cet outil par les armĂ©es sur le terrain :

StratĂ©gie militaire israĂ©lienne : l’intelligence artificielle au service des bombardements massifs
L’armĂ©e se sert de l’IA pour augmenter le nombre de cibles, malgrĂ© les dommages collatĂ©raux.

VoilĂ  pour la version pessimiste.

Puis il y a toutes les situations d’entre-deux, dont celle d’aujourd’hui, oĂč nul ne sait quelle sera la direction prise.

On en revient au principe de la technologie de Schrödinger.

Allez ! Je te rassure : mĂȘme en SF la rĂ©bellion contre des IA trop envahissantes a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© pensĂ©e.

La notion de Jihad Butlérien

Dans le cycle de Dune (les livres, pas les films de Villeneuve), il y a des allusions rĂ©guliĂšres au Jihad ButlĂ©rien ; autrement dit, la lutte contre les machines. HĂ© oui ! Franck Herbert s’est payĂ© le luxe de revisiter le mouvement luddite, qui protestait en Angleterre au 18Ăšme siĂšcle contre les machines Ă  tisser.


ConsidĂ©rer l’IA comme une nouvelle gĂ©nĂ©ration d’assistants virtuels

Parlons maintenant d’émancipation.

Un nombre surprenant de gens galÚre à gérer le quotidien.

C’est un constat auquel tu parviens vite en tant que mĂ©diateur numĂ©rique.

Dans cette optique, n’importe quel outil ou assistant capable de « libĂ©rer Â» quelqu’un de ses tĂąches ou de devenir « plus efficace Â» fera l’affaire. Peu importent alors les critiques qui lui sont associĂ©es !

Une trajectoire Ă  la GAFAM

L’IA et ses boutiquiers suivront, je veux bien le parier avec toi, la mĂȘme trajectoire que les GAFAM et BATX. Ceci est d’autant plus probable que ces entreprises financent le dĂ©veloppement de cette technologie.

Or, en dĂ©pit de toutes les critiques (bien connues !) Ă  l’encontre de ces derniers concernant les donnĂ©es personnelles et autres points peu reluisants, la majoritĂ© de la population utilise toujours leurs outils et plateformes.

N’en dĂ©plaise aux alternumĂ©ristes et copains libristes, lors des ateliers de sensibilisation, le public comprend trĂšs bien le problĂšme. Mais celui-ci, contre toute attente et au-delĂ  de l’effet de rĂ©tention des utilisateurs, fait le choix dĂ©libĂ©rĂ© de l’ignorer allĂšgrement.

Interroger l’éthique des outils numĂ©riques est la prĂ©occupation d’une minoritĂ© technicienne, au bĂ©nĂ©fice d’une majoritĂ© qui, soyons honnĂȘtes, s’en contrefout.

Le grand public est d’ores et dĂ©jĂ  prĂȘt Ă  pardonner ses fautes Ă  l’IA et Ă  les planquer sous le tapis tant qu’elle lui ĂŽte une Ă©pine du pied. Tout comme il l’a fait avec les outils qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©e.

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Prends le temps de parler d’intelligence artificielle avec des adultes, tu observeras un phĂ©nomĂšne marquant, Ă  savoir le soulagement sincĂšre des uns et des autres Ă  dĂ©lĂ©guer le processus de dĂ©cisions quotidiennes.

Quand l’assistant devient un guide


Garde Ă  l’esprit qu’avec la fracture numĂ©rique, beaucoup d’actions sont entravĂ©es.

Pour le public lambda, et hors usages crĂ©atifs ou rĂ©crĂ©atifs, l’IA est perçue comme un assistant numĂ©rique amĂ©liorĂ© (au mĂȘme titre que Siri ou Google), capable de rĂ©pondre Ă  ses questions, accomplir des tĂąches autrement trop compliquĂ©es, ou proposer des solutions.

Au quotidien, l’IA t’affranchit de la rĂ©flexion profonde.

T’invite au pilotage automatique.

À ne plus te prendre la tĂȘte.

Une aide inestimable.

Elle décide pour toi.

Tu deviens calme.

Sans pensée.

Automate.

Libre ?

🧠
Pour certains publics, s’affranchir du poids cognitif de la rĂ©flexion peut ĂȘtre vu comme un soulagement. Il faut entendre et comprendre cet usage numĂ©rique ; apprĂ©hender cette perspective. L’utilisation de l’IA, vue par certains militants anti-IA comme une dĂ©possession, est jugĂ© par d’autres comme une libĂ©ration.

Il faut accepter l’idĂ©e que certains utilisateurs de l’IA aspirent dĂ©jĂ  Ă  se laisser guider par elle.

Convaincus par ses bienfaits, ils lui abandonneront volontiers des pans entiers de leur vie.

Tout l’enjeu est d’éviter l’exploitation de leurs vulnĂ©rabilitĂ©s par l’outil.

En principe, c’est lĂ  oĂč, les mĂ©diateurs numĂ©riques interviennent.

L’ĂȘtre humain peut-il volontairement se rĂ©duire Ă  un automate ?

Avec certitude et sans aucun doute : « Par paresse, oui. Â».

Est-ce triste et dramatique pour autant ?

C’est sans doute regrettable.

Mais c’est un choix.

Personnel.

Social.

🛌
Ne sous-estime jamais l’impact de la flemme dans les processus de dĂ©cisions importantes, et encore moins les outils qui vont la nourrir ou s’appuyer dessus.

Spoiler alert 

Dans une veine similaire, relis « La planĂšte des singes Â» de Pierre Boulle. Dans ce classique de la SF, l’humanitĂ© a Ă©tĂ© remplacĂ©e par des singes non pas par la violence (comme dans les derniers films), mais bien parce que, par excĂšs de confort et paresse, l’espĂšce a fini par rĂ©gresser.


Le milieu professionnel n'est pas encore mûr pour intégrer l'IA

Faut-il changer tous tes logiciels, tes processus et tes techniques ?

Rassure-toi, la réponse est non, pas encore.

L’IA actuelle ne tiendra pas ses promesses.

Parce qu’elle est encore au stade de l’enfance.

Et parce que ce sont encore des humains aux commandes.

Vendre l’IA comme Ă©tant le futur, c’est oublier la fracture numĂ©rique.

Beaucoup trop d’entreprises, de structures et d’indĂ©pendants souhaitent intĂ©grer l’IA Ă  leurs processus alors qu’ils parviennent parfois Ă  peine Ă  gĂ©rer correctement un site internet, Ă  communiquer sur les rĂ©seaux sociaux ou Ă  utiliser des logiciels !

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IntĂ©grer l’IA nĂ©cessite une maturitĂ© et une maĂźtrise technologique dont la majoritĂ© ne dispose pas aujourd’hui. Avant de dĂ©lĂ©guer quoi que ce soit Ă  l’IA pour t’en dĂ©barrasser, il vaut donc mieux t’assurer d’abord de maĂźtriser tes tĂąches numĂ©riques.

Vendre l’IA comme l’alpha et l’omĂ©ga des solutions est, au mieux, une fumisterie, alors que, selon les cas, de simples automatisations (avec Zappier, IFTT ou Make) suffisent parfois Ă  aplanir les difficultĂ©s.


Adopte une posture technocritique avant de foncer sur la derniÚre IA du marché

Dans une perspective technocritique, l’intelligence artificielle est difficilement dĂ©fendable, que ce soit pour son coĂ»t humain, social ou environnemental. Pour qu’elle vaille la peine de son coĂ»t, elle doit s’avĂ©rer rĂ©volutionnaire ou dĂ©passer les capacitĂ©s humaines.

Une IA peut gĂ©nĂ©rer des vidĂ©os ?

Toi aussi.

Une IA peut Ă©crire du texte ?

Toi aussi.

Une IA rĂ©pond Ă  tes mails ?

Toi aussi.

MĂȘme Microsoft, qui finance et soutient OpenAI, admet, dans l’une de ses Ă©tudes de 2025, que plus haute est la confiance en l’IA, moins s’exerce l’esprit critique dans le cadre professionnel.

Specifically, higher confidence in GenAI is associated with less critical thinking, while higher self-confidence is associated with more critical thinking.

Avant d’utiliser une IA, demande-toi :

  • Peux-tu faire la mĂȘme chose sans elle ?
  • Si oui, l’IA fait-elle mieux que toi ?
  • Peux-tu atteindre le mĂȘme rĂ©sultat avec un surcroit d’efforts ?
  • Ces efforts te semblent-ils vraiment insurmontables ?
  • Quel est le gain rĂ©el que t’apporte l’IA ?
  • D’autres technologies existent-elles ?

La perspective minimaliste digital confrontĂ©e Ă  l’IA

Le minimalisme digital ne signifie pas refuser toute technologie numĂ©rique. Il s’agit plutĂŽt de privilĂ©gier un usage ciblĂ©, conscient et critique de celle-ci. Bref, d'interroger ta relation avec elle.

Dans l’hypothĂšse oĂč tu ne dĂ©lĂšgues Ă  l’IA que des tĂąches que tu es incapable de mener, ou des activitĂ©s chronophages et sans valeur ajoutĂ©e, alors il s’agit d’un bon outil.

En revanche, il est indispensable de la circonscrire à des usages ciblés, de façon à ne pas en dépendre.

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Mobiliser l’intelligence artificielle doit intĂ©grer le refus de sombrer dans l’aliĂ©nation numĂ©rique : l’utilisateur doit ĂȘtre capable de se dĂ©brouiller aussi bien avec que sans cette technologie.

Cette approche est similaire Ă  celle que j’ai dĂ©crit pour l’usage du numĂ©rique en situation de dĂ©connexion dans l’outback australien.

Comme tu le vois, l’Intelligence Artificielle ne rĂ©pond guĂšre aux critĂšres Ă©noncĂ©s – ce qui, Ă  mes yeux, est rĂ©dhibitoire.


Chercher un point d’équilibre entre usage et distanciation

Et maintenant ?

L’IA n’incarne pas encore le futur.

Je m’abstiendrai donc de militer pour ou contre.

Il demeure possible d’utiliser cette technologie sans s’y soumettre.

Cela implique de (se) former et d’accompagner, afin d’encourager un usage Ă©clairĂ© de l’outil.

👀
Nous gagnerons en efficacitĂ© Ă  Ă©viter les postures morales et moralisatrices concernant l’intelligence artificielle et son dĂ©ploiement. Sans abandonner pour autant notre luciditĂ© et notre esprit critique. De l’objectivitĂ© et du pragmatisme avant tout !

LĂącher-prise et acceptation d’une mutation numĂ©rique

L’IA s’enracine dans le terreau de ce qui l’a prĂ©cĂ©dĂ©.

Sauf revirement radical, cette technologie ne sera pas bannie.

Il n’y aura pas d’équivalent nĂ©o-luddite au jihad butlĂ©rien de Dune de sitĂŽt.

Bien sĂ»r, cette technologie immature angoisse et gĂ©nĂšre dĂ©jĂ  un coĂ»t environnemental aussi consĂ©quent que croissant (et regrettable). D’un autre cĂŽtĂ©, TikTok a gĂ©nĂ©rĂ© en 2024 autant de gaz Ă  effets de serre que la GrĂšce...

TikTok’s annual carbon footprint is likely bigger than Greece’s, study finds
Average user generates greenhouse gases equal to driving an extra 123 miles in gasoline-powered car a year, data shows
Il faut admettre que promouvoir un usage sobre et stratĂ©gique du numĂ©rique dans une sociĂ©tĂ© consumĂ©riste hyperconnectĂ©e s’apparente Ă  pisser dans un violon contre le vent. L’approche pĂ©dagogique de l’IA, sans fatalisme ni dĂ©sillusion, doit en tenir compte.

Comme le rappelle réguliÚrement Louis Derrac avec justesse, le numérique durable et soutenable est un oxymore.

Ce qui n’empĂȘche personne de continuer comme si de rien n’était.

Quand la pente est glissante, hurler ne freine guĂšre la course.

Toi et moi, nous n’allons pas stopper le dĂ©ploiement de l’IA.

En revanche, nous pouvons dĂ©cider comment l’utiliser.

Et fixer, pour chacun, les limites de l’acceptable.

À ton tour !

  • Quels outils IA utilises-tu ?
  • Les mobilises-tu aveuglement ou avec de la distance critique ?
  • DĂ©pends-tu de l’IA ou non ?