Je ne sais pas vous, mais, de tous les sujets abordés en médiation numérique, le montage vidéo est sans doute l’un de mes favoris. Initier le grand public à ces techniques a quelque chose de gratifiant, car je sais que cela va nourrir leur créativité par la suite et leur donner envie de s’impliquer dans l’appropriation de nouvelles compétences.  

Quels éléments pédagogiques intégrer ? Quelles sont les contraintes à prendre en considération et sur quels axes se concentrer ? Je vous parle de tout cela ci-dessous en détail. Et au cas où vous ne seriez pas médiateur, mais simplement curieux sur le sujet, je vous invite à consulter les activités proposées afin de vous exercer.

Concevoir un atelier numérique sur le montage vidéo

Loin de se limiter à la lutte contre l’illectronisme, la médiation numérique offre la possibilité de former les individus à d’innombrables éléments de la culture web contemporaine. Quand on étudie l’ampleur du trafic internet lié à la vidéo en ligne, on peut mesurer l’appétit du public pour ce média – et son impact global.

« [en 2019] nous vivons dans un monde où une seule forme d’usage du numérique, la vidéo en ligne, génère 60 % des flux de données mondiaux et plus de 300 millions de tonnes de CO2 par an. Cet usage, loin d’être « dématérialisé », représente 20 % du total des émissions de gaz à effet de serre (GES) dues au numérique, soit 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ou autant que l’Espagne. » Source : The Shift Project

Lien de cause à effet ? Toutes considérations écologiques mises à part, j’observe que, de tous les ateliers que je propose, l’initiation au montage vidéo est incontestablement celui qui génère le plus d’engouement. Je tiens donc ici à partager ma méthode et contribuer au développement d’actions en faveur de la créativité générale.

Est-ce une thématique difficile à aborder en atelier numérique ?

La conception pédagogique d’un atelier sur le montage vidéo ne présente pas plus de difficultés que d’autres sujets. Avant d’aller plus loin, je vous recommande de considérer qu’une durée de 3 h est un minimum pour aborder cette thématique, et qu’il vaut mieux être à l’aise avec l’édition multimédia.

Notez par ailleurs que, dans le cadre de ce type d’ateliers, où les techniques de création vidéo sont à l’honneur, le médiateur numérique adopte davantage une posture d’animation culturelle que de médiation sociale.

Tutoriel pour médiateurs : Comment structurer un atelier numérique ?

Tutoriel à destination des médiateurs numériques pour savoir comment concevoir un atelier pédagogique en présentiel, avec les pièges à éviter.

Florent SalemFlorent Salem

Quel est le public intéressé pour apprendre le montage vidéo ?

Il y a de tout en médiation numérique, néanmoins je remarque que, sur ce sujet, les apprenants sont avant tout des personnalités créatives ou curieuses, plutôt à l’aise avec l’informatique. Les problématiques d’illectronisme peuvent surgir de façon ponctuelle, cela dit c’est assez rare. Ajoutez-y des individus désireux de développer leur activité professionnelle, ainsi que des ‘consommateurs’, venus se distraire avec les animations proposées, et vous aurez une bonne idée du panel de profils susceptible de se présenter le jour J pour apprendre les techniques de montage vidéo.

Dans beaucoup de cas, ces publics ne se croient pas capables de créer une vidéo par leurs propres moyens au bout d’une seule séance. À titre personnel, j’apprécie de leur prouver le contraire et de proposer cet objectif pédagogique concret afin de les motiver.

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Florent SalemFlorent Salem

La comparaison avec des professionnels de l’audiovisuel

Il existe un piège notable concernant l’animation d’ateliers sur le montage vidéo. En effet, une part du public, si elle s’intéresse au sujet, a déjà visionné un certain nombre de tutoriels sur le web. Il faut alors trouver le moyen de se différencier de ces contenus, et ne pas souffrir la comparaison – sachant que certains tutoriels sont créés et conçus par des professionnels du métier.

Or, aux dernières nouvelles, un médiateur numérique n’est pas monteur vidéo. Sa capacité à faire et à transmettre dépend beaucoup de ses compétences personnelles et de ses appétences artistiques. Cette limite de maîtrise doit être prise en considération avec humilité au moment de la conception de l’atelier.

Un atelier sur le montage vidéo n’est pas une formation audiovisuelle

Pour proposer un atelier d’apprentissage du montage vidéo, il est essentiel de clarifier s’il s’agit d’une initiation pour les débutants ou non. Sans cette précision de départ, vous courrez le risque de susciter des déconvenues à la fois pour les passionnés à la recherche d’une formation audiovisuelle, aux profils plus avancés, et pour les néophytes.

Quel logiciel de montage vidéo utiliser pour un projet créatif en atelier numérique ?

Du point de vue technique, tous les logiciels ne se valent pas, surtout dès qu’on touche à la création multimédia. Je recommande de considérer Adobe Première comme étalon-mètre en la matière, car il est plébiscité par une majorité de professionnels et de créateurs.

Quitte à proposer à mon public de s’initier au montage vidéo, autant le faire démarrer sur l’un des outils de référence. Après tout, la majorité des emplois dans le secteur audiovisuel requièrent la maîtrise d’Adobe Première. En initiant votre public à cet outil, vous le positionnez donc dans une perspective professionnelle s’il souhaite approfondir ses compétences.

Si Adobe Première ne vous convient pas, il est toujours possible de miser sur d’autres grands noms du domaine, comme DaVinci Resolve ou Avid Media Composer.

Alternatives : logiciels libres pour le montage vidéo

À défaut de contourner la contrainte de puissance des appareils, il est toujours possible de limiter les frais grâce à des logiciels libres de montage vidéo. Encore faut-il trouver le bon – ou le plus adapté à votre public.

Le meilleur compromis que j’ai trouvé à ce stade est Kdenlive. Non seulement le logiciel est libre – donc gratuit –, mais surtout il est le plus proche d’Adobe Première que j’ai testé. L’apparence générale, le menu, les manipulations et la logique sont assez similaires pour qu’un débutant désireux de passer à la vitesse supérieure ne soit pas perdu par un changement de logiciel par la suite. La courbe d’apprentissage est raisonnable, et ses fonctionnalités n’ont rien à envier à un logiciel professionnel (à un ou deux détails près).

Comme vous pouvez l’imaginer, il existe d’autres logiciels libres de montage vidéo, mais je vous laisse le soin d’explorer et de tester.

Alternatives : Le montage vidéo sur smartphone

Le temps où l’ordinateur était l’équipement roi de l’informatique vacille, surtout chez le grand public. Certains apprenants n’ont ni les moyens ni l’envie d’investir dans une tour performante alors que des petites vidéos peuvent être éditées sur smartphone.

Je n’ai pas encore testé d’ateliers de montage basés sur des applications, mais j’ai en ligne de mire quelques options techniques au cas où : Adobe Premiere Rush, InShot, Quik, Splice et CapCut. J’éditerai cet article une fois accomplies les expérimentations sur le terrain. Si vous avez d’ores et déjà testé ce format, n’hésitez pas à m’en faire part.

Alternatives : Le montage vidéo assisté par Intelligence Artificielle

Il n’aura échappé à personne que la thématique de l’Intelligence Artificielle domine les discussions et débats depuis l’an dernier. Peut-on s’en servir dans le cadre d’un atelier sur la création audiovisuelle ? La réponse est clairement oui, même s’il s’agit plutôt d’un thème transverse.

Encore faut-il déterminer quelle plateforme utiliser. En ce qui concerne le montage vidéo assisté par IA, MidJourney et HeyGen ont du potentiel, tandis que Deepmotion et Cascadeur peuvent servir pour un projet d’animation.

Vous pouvez vous appuyer sur cette infographie (en anglais) de Brian Solis, JESS3 et Conor Grennan pour disposer d'un aperçu des solutions existantes :

D’un point de vue pédagogique, je recommande d’initier les apprenants au montage vidéo traditionnel lors d’un premier atelier (afin qu’ils comprennent les bases), puis d’aborder la création multimédia assistée par IA dans un second temps.

C’est l’occasion d’aborder la création de deep fakes, la désinformation ou la création d’un clone vidéo (voir l’excellente vidéo de Shubham Sharma J’automatise mon clonage vidéo avec une IA).

J’automatise mon clonage vidéo avec une IA — C’EST FLIPPANT

Vous connaissez Heygen et ElevenLabs ? C’est les outils qui m’ont permis de créer des clones de moi même en vidéo. Ce clone partage mon visage, ma voix et mê…

YouTube

Techniques de montage vidéo et exercices à aborder en atelier

Le montage vidéo ne se résume pas à une succession d’effets visuels ou de transitions spectaculaires. Il s’agit d’un langage audiovisuel à part entière, qui repose sur des techniques créatives et des règles bien précises. Ainsi, dans l’optique d’un atelier destiné aux débutants, je recommande de le structurer de façon à aborder les points suivants :

1. Apprentissage de l’interface du logiciel : Il est essentiel de démarrer l’atelier en présentant l’interface du logiciel choisi, en se concentrant sur le banc de montage.

2. Importation et organisation des fichiers : Montrez comment importer des fichiers multimédias dans le logiciel et comment les organiser efficacement pour faciliter le travail.

3. Les bases du montage : Présentez les concepts fondamentaux tels que le point d’entrée, le point de sortie, puis comment agencer des clips pour créer une séquence cohérente.

• Assembler des rushs (déplacement simple sur le banc de montage).
• Assembler des rushs de façon à raconter une histoire (storytelling).
• Éditer un rush (raccourcir, couper, scinder).
• Superposer des pistes (mixage vidéo) et jouer sur la transparence.

4. Ajout de transitions et d’effets : Introduisez les transitions entre les clips et les effets spéciaux pour ajouter une dimension visuelle à la vidéo.

• Appliquer un fondu (au noir, enchaîné...).
• Appliquer un ou plusieurs effets sur un clip.
• Créer un générique fixe ou un générique déroulant.
• Modifier le contraste et la luminosité.
• Appliquer un LUT (prévoir un stock en amont) pour aborder la colorimétrie.

5.Travail sur le son : Expliquez comment ajouter, ajuster et améliorer l’aspect sonore de la vidéo. La qualité sonore est l’argument massue des vidéos professionnelles.

• Ajouter une musique en guise de bande originale.
• Ajouter des bruitages.

Il y a largement de quoi tenir 3 h à 4 h d’animation, en comptant l’exploration du logiciel et les éléments de théorie mentionnés plus loin.

Si vos apprenants quittent l’atelier en maîtrisant une bonne part de ces manipulations, vous pouvez considérer que vous avez réussi votre mission.

Expliquer et comprendre le montage vidéo en tant que langage et technique créative

La thématique du montage vidéo se prête à merveille à la pédagogie active, toutefois il est pertinent de fournir quelques éléments théoriques pour les bénéficiaires de l’atelier. La vidéo est à la croisée de maintes constructions culturelles contemporaines, autant en parler ! Le tout sans ergoter sur les théories esthétiques du cinéma pendant des heures...

Quelques notions théoriques à aborder pour un atelier sur le montage vidéo

Afin de nourrir la séance, j’aborde le plus souvent les points suivants :

1. La structure d’une histoire (à minima la structure en trois actes – début, milieu, fin).
2. La distinction entre séquence, scène et plan.
3. La narration des anciens films muets basée sur les cartons entre les plans (vous n’aurez sans doute pas le temps d’enregistrer des dialogues de toute façon).
4. L’effet Koulechov (ou K. Lev Koulechov), facile à expliquer et montrer pour parler du montage des images comme un langage à part entière. Voir ci-dessous.
5. Les trucages et effets spéciaux simples (par exemple le cinéma de Méliès ou les fonds bleus et verts).
6. La palette de couleurs d’un film (voir https://www.code-couleur.com/palettes.html et https://moviesincolor.com/).

Il y a maintes autres possibilités, mais si vous n’avez qu’un atelier de 3 h, ces six points nourriront déjà bien assez vos apprenants.

Freins techniques et pédagogiques en atelier de montage vidéo

Concluons avec les écueils divers et variés que peuvent rencontrer les médiateurs numériques le moment venu. Le montage vidéo est une activité qui prend du temps, même quand on s’y connaît. La tentation est grande de peaufiner les moindres détails et de sombrer dans le perfectionnisme. Une fois l’atelier lancé, partez du principe que l’attention et la concentration de vos apprenants chutent dans un trou noir.

Au vu des ateliers que j’ai animés, je constate que les facteurs de perte de temps à prendre en considération pour la trame pédagogique sont :

1. La sélection des vidéos depuis des banques de données (solution indiquée plus bas),
2. L’exploration du logiciel sélectionné et de ses options (comptez 10 à 30 minutes selon les profils d’apprenants),
3. Les problèmes techniques (il y en a toujours),
4. Un parc d’appareils qui manque de puissance pour faire tourner les logiciels,
5. Le besoin éventuel de casques ou d’écouteurs pour la partie son (dépend de la structure),
6. Les bénéficiaires mal orientés (erreur de casting ou de prescription).

Gérer les rushs et aborder le droit d’auteur

La base du montage vidéo, ce sont les rushs (dits aussi ‘clips’), ces morceaux de vidéo bruts qui vont être assemblés pour aboutir au métrage final. Le problème, c’est que nous ne sortons pas d’un tournage, et que les apprenants viennent rarement avec leurs propres rushs à éditer.

La solution la plus simple est alors d’utiliser des sites proposant une banque de vidéos libres de droits téléchargeables. J’utilise généralement Pexels, mais rien n’empêcher d’aller voir ailleurs selon l’humeur. C’est une occasion rêvée pour saupoudrer l’atelier avec des notions sur le respect du droit d’auteur sur internet. Pourquoi pas, aussi, les licences Creative Commons au passage ?

Lancez-vous dans l’animation d’atelier de montage vidéo !

Je ne me lasse jamais d’animer ces ateliers, car ils offrent une occasion rêvée d’appliquer les techniques de pédagogie active dans un contexte détendu et ludique. Les apprenants sont curieux et peuvent se découvrir ainsi une vocation, peu importe leur âge. Autant dire que je recommande volontiers aux collègues médiateurs numériques de traiter le sujet s’ils en ont l’occasion.

Vous disposez désormais de nombreuses pistes pour initier vos apprenants au montage vidéo. Lancez-vous, soyez créatifs, et encouragez-les à explorer leur potentiel artistique. N’oubliez pas, l’objectif est de susciter la passion pour le montage vidéo et d’ouvrir de nouvelles perspectives au public.

Vous souhaitez m’inviter à animer de tels ateliers auprès de vos bénéficiaires ? Contactez-moi et nous verrons comment mettre en place votre projet !