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đŸ—ș Minimalisme digital et Outils numĂ©riques : S’inspirer de la dĂ©connexion dans l’Outback australien

Exploration des limites du numérique lorsqu'on s'aventure en zone hors réseau, afin d'illustrer notre dépendance ou notre autonomie technologique.
Un routard dans l'outback australien avec un smartphone cassé - Image générée par IA - Adobe Firefly

À quel moment les outils numĂ©riques cessent-ils d’ĂȘtre utiles ?

Plus je forme du public Ă  l’usage de logiciels et d’appareils connectĂ©s, plus je constate qu’une Ă©crasante majoritĂ© d’usagers ne sait pas (ou plus) vivre sans smartphone ou internet. L’idĂ©e de passer du temps dans une zone privĂ©e de rĂ©seau est devenue terrifiante, car elle souligne l’inadaptation de nos habitudes et comportements contemporains dans ce type d’environnement.

Pourtant, au lieu d’avoir peur de ces territoires, nous mĂ©riterions de nous en inspirer, car ils obligent justement Ă  analyser, redĂ©finir et adapter nos usages.

Je te propose ici un retour d’expĂ©rience personnel sur l’usage de la technologie numĂ©rique dans l’Outback australien, l’incarnation absolue des zones dĂ©connectĂ©es.


Voyager dans l’Outback australien et les zones reculĂ©es

Sans doute l’ignores-tu, mais j’ai passĂ© prĂšs de trois ans de ma vie en tant que routard, dont deux en permis vacances-travail (PVT pour les connaisseurs) en Australie, Nouvelle-ZĂ©lande et Asie (2017-2019).

Si tu passes (ou as passĂ©) du temps sur la route, ce qui va suivre t’évoquera sĂ»rement quelques souvenirs.

Autant te dire que j’ai eu tout loisir de me confronter aux problĂ©matiques de connexion et de dĂ©connexion au numĂ©rique quand tu vis Ă  l’étranger et que tu traverses des rĂ©gions dĂ©sertes – pour ne pas dire vraiment paumĂ©es.

Amateur de treks longue distance, j’ai toujours eu Ă  cƓur de limiter ma dĂ©pendance Ă  l’équipement Ă©lectronique, pour des questions d’autonomie. On peut dire que je pratiquais dĂ©jĂ  une approche de minimalisme digital partielle, mais sans le formuler de la sorte.

Le fait est que ce mode de fonctionnement a trouvĂ© toute sa justification dans l’Outback australien.

Et en est sorti renforcé.

Qu’est-ce que l’Outback australien ?

On peut dĂ©crire l’Outback comme l’arriĂšre-pays du continent australien. C’est une vaste zone semi-aride, aussi grande que les deux tiers de l’Europe et trĂšs peu peuplĂ©e. Il ne s’agit pas d’un dĂ©sert Ă  proprement parler, mais ça s’en rapproche beaucoup selon les saisons. Les tempĂ©ratures sont Ă©levĂ©es, le manque d’eau criant, et les bestioles venimeuses nombreuses.

C'est un territoire aussi craint que fantasmé dans l'imaginaire collectif.

Vivre dans cette zone reculĂ©e du pays demande une forte rĂ©silience Ă  ses habitants, Ă©loignĂ©s de tout et isolĂ©s au milieu de nulle part. L’autonomie y est dĂ©terminante, mĂȘme quand tu te contentes d’une simple traversĂ©e.

Autant te dire que se perdre dans l’Outback sans les compĂ©tences nĂ©cessaires pour y survivre se rĂ©vĂšle compliquĂ©, voire fatal sans un minimum d’organisation.

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Quand tu pars en aventure dans l’Outback, tu dois intĂ©grer le principe qu’il n’y aura plus aucune connexion aux rĂ©seaux de communication avant d’atteindre la prochaine localitĂ©. Idem pour l’électricitĂ©, l’eau, la nourriture, le carburant, etc..

Tu dois ĂȘtre 100% autonome Ă  tous niveaux dans l’intervalle qui te sĂ©pare du retour Ă  la civilisation.

Cela Ă©tant dit, bien que ce soit un environnement difficile (pour ne pas dire extrĂȘme), ces caractĂ©ristiques en font un terrain rĂȘvĂ© pour l’aventure. Les Australiens affectionnent d’ailleurs l’expression « to get lost in the Outback Â», soit « aller se paumer dans l’Outback Â» pour Ă©voquer un dĂ©part temporaire ou dĂ©finitif dans la nature profonde.

Les notions de survie et d'autonomie en situation d'isolement constituent un véritable pan de la culture locale, et les Aussies que j'ai rencontrés en tiraient une certaine fierté.

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On peut gĂ©nĂ©raliser et parler d’Outback dĂšs qu’il s’agit de zones reculĂ©es, difficiles d’accĂšs ou dĂ©connectĂ©es.

Mon équipement informatique et électronique de voyage PVT en Australie et Nouvelle-Zélande

Avant d’aller plus loin, il n’est pas inutile de te prĂ©ciser ici le matĂ©riel Ă©lectronique dont je disposais Ă  l’époque.

Rassure-toi, je ne vais pas t’infliger le dĂ©tail de mon Ă©quipement de voyage – mĂȘme si j’adore faire des listes de matĂ©riel technique Ă  optimiser. Il s’agit juste de contextualiser, car l’usage dĂ©pend de l’outil Ă  disposition.

Sache que je suis parti d’Europe avec un PC portable lĂ©ger, un rugged smartphone, une liseuse et un petit appareil photo. À cela, il faut ajouter les cĂąbles nĂ©cessaires, un adaptateur universel, une batterie externe, et, le plus utile, montre et lampe frontale.

Cette configuration conviendra à la majorité de celles et ceux qui ambitionnent de devenir nomade digital, ou souhaitent rester connectés en voyage. Cela dit, je recommande des optimisations afin de voyager plus léger.

Vivre dĂ©connectĂ© dans l’Outback australien

Tout ce matĂ©riel technique Ă©tait certes utile Ă  proximitĂ© d’une communautĂ© humaine, mais j’ai vite constatĂ© qu’il devenait quasi inutile dĂšs que tu partais au fin fond de l’Outback.

Dans cette vaste zone hors rĂ©seau de communication (internet, tĂ©lĂ©phone), dite aussi off grid, tout ce qui nĂ©cessite une connexion devient inopĂ©rant. Le voyageur entre en « zone blanche Â» sur des distances qui vont de la dizaine au millier de kilomĂštres.

Le smartphone et le PC deviennent illico des reliquats technologiques dont on ne peut exploiter que certaines fonctionnalitĂ©s :

  • GPS (seulement si tu disposes d’une application conçue pour fonctionner hors-ligne)
  • Stockage et lecture de mĂ©dias (ceux que tu as au prĂ©alable enregistrĂ©s dans la mĂ©moire de tes appareils)
  • Appels et messages d’urgence (variable selon les zones)
  • Applications et logiciels installĂ©s sur l’appareil conçus expressĂ©ment pour fonctionner hors-ligne

Autant dire que leur usage était aussi limité que limitant.

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Leçon n°1 de l’Outback

Des appareils et outils numĂ©riques incapables de fonctionner hors ligne sont inutiles, car ils demeurent « muets Â». Seuls ceux capables de fonctionner ‘en local’ sont dignes de confiance en situation extrĂȘme.

Vivre avec peu d’électricitĂ© dans l’outback

À la contrainte de vivre hors rĂ©seau, il faut ajouter celle de la vie hors rĂ©seau Ă©lectrique. Tu retrouves d’ailleurs cette limitation dĂšs que tu accomplis un trek de longue durĂ©e, surtout si tu bivouaques au milieu de la pampa en continu pendant plus de 2 Ă  3 jours.

Partir dans l’Outback fait prendre conscience de notre dĂ©pendance Ă  l’énergie Ă©lectrique pour le bon fonctionnement de nos appareils.

Comment recharger les batteries de ton matĂ©riel Ă©lectronique quand tu es au milieu de nulle part ?

Sauf si tu disposes de panneaux solaires ou de l’allume-cigare d’un vĂ©hicule, tu dĂ©pends intĂ©gralement de batteries externes... Qui finissent par se vider ou ne plus fonctionner (surchauffe, problĂšme de connectiques, etc.).

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Ton matériel électronique, en dépit de son utilité évidente, est utile et faillible en proportion de son autonomie de batterie.

Tu dois faire la distinction entre numérique vital et numérique utile, facultatif ou de luxe.

Ton dilemme de routard est alors le suivant :

  1. Tu surcharges ton sac Ă  dos avec des batteries extĂ©rieures et de l’équipement outdoor onĂ©reux, afin de faire fonctionner ton Ă©quipement Ă  tout prix.
  2. Tu reconsidÚres tes pratiques, et rationnes ton usage au strict nécessaire pour économiser le moindre 1% de batterie... quitte à éteindre tes appareils la majorité du temps.

Dans le premier cas, tu confirmes et augmentes ta dĂ©pendance Ă  des technologies basĂ©es sur l’électricitĂ©, dans un environnement qui en est dĂ©pourvu.

Tu as du mal à couper le cordon d’alimentation.

Dans le second cas, tu acceptes de dĂ©brancher ton matĂ©riel high-tech pour explorer des solutions low-tech (boussole, carte, etc.). Le high-tech est alors rĂ©servĂ© aux phases d’urgence ou d’absolue nĂ©cessitĂ©. Tu envisages des appareils moins gourmands en ressources et Ă  l’autonomie plus importante.

Sous l’empire de la nĂ©cessitĂ©, tu intĂšgres ainsi la notion de sobriĂ©tĂ© Ă©nergĂ©tique Ă  tes usages numĂ©riques.

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Leçon n°2 de l’Outback australien

Puisque l’équipement Ă©lectronique est faillible faute d’énergie disponible, ton autonomie quotidienne relĂšve d’alternatives et de techniques non numĂ©riques.

Sur cette question d’autonomie, tu peux d’ailleurs effectuer des parallĂšles avec la notion de convivialitĂ© des outils d’Illich, Ă©voquĂ©e lors de l’article sur l’aliĂ©nation numĂ©rique.

đŸȘ AliĂ©nation NumĂ©rique: DĂ©finition, ComprĂ©hension, Analyse
Exploration d’une notion clef de la mĂ©diation numĂ©rique, souvent invoquĂ©e, rarement explicitĂ©e.

Ré-Apprendre à vivre sans connexion internet ou sans écran

Les contraintes environnementales et techniques du dĂ©sert central en Australie se rapprochent des conditions extrĂȘmes de zones de conflit ou sinistrĂ©es. Le fracas des armes en moins.

Tant que nous bĂ©nĂ©ficions des avantages d’une infrastructure rĂ©seaux, il y a peu d’intĂ©rĂȘt Ă  reconsidĂ©rer nos usages numĂ©riques. Être habituĂ© Ă  un cadre favorable, oĂč l’accĂšs Ă  internet et Ă  l’électricitĂ© n’est mĂȘme pas un sujet, invite Ă  croire que c’est le cas partout.

Passer du temps dans l’Outback australien (ou d’autres zones reculĂ©es, Ă  l’étranger ou non) remet en question cette Ă©vidence.

Sortir de sa zone de confort numérique

Une telle expĂ©rience de dĂ©connexion radicale a de quoi en terrifier plus d’un, car elle prive de la majoritĂ© des services, des habitudes et des distractions auxquelles le numĂ©rique nous biberonne au quotidien.

L’économie de l’attention fonctionne mal sans rĂ©seau – ou que tu dĂ©connectes volontairement.

Voyager dans l’Outback te fait sortir de ta zone de confort de confort numĂ©rique.

Le tout sans préavis ni filet de sécurité.

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Leçon n°3 de l’Outback australien

Le numérique est une denrée rare, voire un luxe technique, dont nos modes de vie hyperconnectés ont fait une nécessité et une dépendance.

Es-tu aujourd’hui autonome si tu pĂ©nĂštres pour une longue durĂ©e dans une zone dĂ©pourvue de rĂ©seau ou d’électricitĂ© ?

Si la rĂ©ponse est « Non Â», tu peux partir du principe que tu es dans une situation de dĂ©pendance Ă  ton Ă©quipement et Ă  tes outils numĂ©riques. Tu peux t’en satisfaire, nĂ©anmoins tu risques quelques surprises ou dĂ©sagrĂ©ments dĂšs que tu sortiras des sentiers battus.


Utiliser les méthodes du trek ultra-Léger et du minimalisme digital

Accordons-nous une brĂšve parenthĂšse par un chemin de traverse.

Quand tu adoptes le mode de vie routard, toute ta vie tient dans ton sac Ă  dos. Ton matĂ©riel de voyage doit donc ĂȘtre optimisĂ© pour ne pas te dĂ©truire le dos et les Ă©paules.

N’abimer ni ton corps, ni ton mental, et garantir ton autonomie, afin d’aller toujours plus loin.

Tu le comprends lorsque tu te retrouves Ă  faire un trek avec un PC sur le dos : ceci est une absurditĂ©, mais je l’ai fait, faute de pouvoir dĂ©poser cet Ă©quipement facultatif dans un lieu sĂ©curisĂ© oĂč le rĂ©cupĂ©rer plus tard.
Cette anecdote est malheureusement véridique.

À un moment, tu es obligĂ© de te concentrer sur l’essentiel, et de te dĂ©barrasser du superflu.

De t’allĂ©ger en traquant le moindre gramme de trop, qui pĂšse et te nuit.

De viser la polyvalence et l’efficacitĂ©.

De faire mieux avec moins, quitte à renoncer à des petits luxes, pour voyager l’esprit libre.

C’est exactement la dĂ©marche et l’état d’esprit de la mouvance trek et randonnĂ©e MUL (Marche Ultra-LĂ©gĂšre). Celle-ci fait Ă©cho aux expĂ©riences que j’ai vĂ©cues lors de mon pĂ©riple en OcĂ©anie-Asie.

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ReconsidĂ©rer son Ă©quipement de voyage ou de trek afin de s’allĂ©ger repose sur la mĂȘme logique que le minimalisme digital, voire le complĂšte.

Il s’agit dans les deux cas de questionner les outils et la technologie que tu mobilises, et de formaliser tes besoins essentiels sur le terrain.

S’inspirer de l’Outback australien pour adopter un mode de vie minimaliste numĂ©rique

Il n’y a nul besoin d’aller jusqu’en Australie pour vivre la dĂ©connexion de l’Outback australien et gagner en autonomie numĂ©rique. Il te suffit de t’inspirer de ces contraintes environnementales pour reconsidĂ©rer tes pratiques quotidiennes.

Ton approche du smartphone (par exemple) sera diffĂ©rente si tu pars du principe que tu as accĂšs Ă  tout, Ă  peu ou Ă  rien. On retombe alors vite sur la notion de sobriĂ©tĂ© d’usage.

Le reste est affaire de créativité au quotidien.

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Distinguer le numérique vital du numérique de confort et de luxe est un premier pas vers le minimalisme digital.

Je te propose ici deux petits dĂ©fis : fais le tri parmi tes applications de smartphone pour identifier celles qui te seraient vitales ou non dans l’Outback, plus celles qui pompent toute l’électricitĂ© de ton appareil.

  • Peux-tu supprimer ou remplacer ces derniĂšres par des alternatives plus efficaces ?
  • Peux-tu dĂ©velopper une stratĂ©gie pour maintenir ton appareil utilisable trois Ă  sept jours de suite sans accĂ©der Ă  une prise Ă©lectrique ?

Choisir de vivre dĂ©connectĂ© : mode d’emploi

Pour t’aider, tu peux utiliser ce rĂ©capitulatif des critĂšres Ă  prendre en considĂ©ration quand tu pars dans l'Outback, plus les rĂ©flexes et bonnes pratiques Ă  adopter :


Apprendre à activer ou désactiver la déconnexion radicale à volonté

Explorer l’Outback australien et d’autres zones reculĂ©es Ă  travers le monde est une expĂ©rience fascinante, car c’est l’occasion de vivre une dĂ©connexion radicale. Ton existence ne peut plus s’appuyer sur le numĂ©rique et les Ă©crans, puisque ces derniers sont inopĂ©rants la majeure partie du temps. Tu mesures ton degrĂ© de dĂ©pendance ou d’indĂ©pendance vis Ă  vis de ceux-ci.

Tes stratĂ©gies changent sous l’empire de la nĂ©cessitĂ©.

Tu t’affranchis et tu t’adaptes, avec plus ou moins de facilitĂ©.

Accepter l’idĂ©e qu’une technologie Ă  laquelle tu es accoutumĂ© puisse ĂȘtre rĂ©duite Ă  nĂ©ant invite Ă  dĂ©velopper une nouvelle forme d’autonomie : la capacitĂ© d’activer ou de dĂ©sactiver ta vie numĂ©rique Ă  volontĂ©, sans la supprimer, et d’ainsi mieux la maĂźtriser.


J’espĂšre que cet article te servira si tu envisages de partir Ă  l'Ă©tranger et que l'idĂ©e de la dĂ©connexion te rend perplexe. Je m'attaquerai prochainement Ă  d'autres aspects du minimalisme digital !

En attendant, tu peux explorer l'intĂ©gralitĂ© des archives du site sur cette page :

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Cet article est diffusé par l'infolettre de Florent Salem. Ces publications sont l'occasion de mettre en perspective notre rapport humain aux technologies numériques, mais aussi d'explorer diverses thématiques qui m'importent.

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