La question revient souvent sur le tapis lors des rencontres entre médiateurs numériques aguerris et débutants : comment concevoir un atelier numérique ? Il n’existe pas de recette magique pour y parvenir, néanmoins les retours d’expérience permettent de dégager un certain nombre d’éléments pertinents utiles à tous. À défaut d’être présent à tous ces moments d’échange, je partage ici ma méthode de travail à l’intention des curieux.

Dans cet article, je me focaliserai sur le cas des ateliers qui se déroulent en présence du public, et non sur les situations de visioconférence. Ce tutoriel se veut d’ordre général, et, surtout, réutilisable par tous et toutes dans le cadre de n’importe quelle conception d’atelier numérique.

Concevoir un atelier numérique efficace

Je présuppose ici que vous disposez d’ores et déjà d’une thématique à traiter en atelier. L’important est que celle-ci soit pertinente pour les personnes qui seront présentes le jour venu, et que vous vous sentiez assez à l’aise avec le sujet pour animer le débat et les activités.

Identifier des ressources pédagogiques

Pour travailler avec votre public sur une thématique précise, vous devez disposer, en tant qu’animateur, d’informations sur lesquelles vous baser. Il peut s’agir aussi bien d’articles ou de livres de référence, de podcasts, de vidéos ou d’exercices pratiques, voire d’autres supports – à dire vrai, peu importe leur nature tant que ces informations sont FIABLES.

Répertoriez ces sources, assurez-vous de pouvoir les retrouver en toutes circonstances (par exemple en les téléchargeant directement sur votre PC en sauvegarde locale), puis efforcez-vous de les classer entre elles. Ce tri initial facilite la définition de sous-thèmes à articuler durant la phase de conception pédagogique.

Cette période de découverte des ressources est un moment crucial pour le formateur, puisqu’il mène ainsi sa propre phase d’apprentissage.

Ateliers numériques et droit d’auteur

Abordons un cas particulier en ce qui concerne les sources fiables et ressources pédagogiques disponibles sur le web.

Il existe des centaines d’ateliers numériques proposés en libre accès, sous licence Creative Commons ou non. Certains sont redondants, et, mettons-nous d’accord, vous n’allez pas tous réinventer l’eau chaude sur des sujets qui ont déjà été poncés par nos prédécesseurs et collègues. Je pense notamment à la bureautique et à tous les exercices pratiques qui en découlent, néanmoins cela s’applique aussi au reste des thématiques du numérique.

Lorsque vous constatez ne pas être en situation d’innover, mais qu’il existe des ateliers fonctionnels et réemployables qui ont fait leurs preuves, rien ne vous empêche de vous appuyer sur ces derniers. L’important est, dans ce cas, d’adapter « à sa sauce » ces productions antérieures, voire de les améliorer à partir de vos retours de terrain.

Dans le cas où vous décideriez de vous approprier des ateliers conçus par d’autres acteurs de la médiation numérique, soyez fair-play et n’oubliez pas de créditer les auteurs originaux sur vos supports. Rendre à César ce qui est à César est la moindre des choses, n'est-ce pas !

Pour la suite, je vais partir du principe que vous démarrez de zéro, sans vous servir des créations de tierces personnes.

Phase de conception pédagogique

Je ne vais pas débattre ici du meilleur type de pédagogie à mettre en place, sachant que les sensibilités en la matière sont multiples et qu’une approche peut s’avérer pertinente dans un cas et malencontreuse dans un autre. À vous d’adapter à votre guise !

On notera en tout cas que la formation REMN suivie par les conseillers numériques France Services se focalise sur la pédagogie active, afin de favoriser l’implication du public lors de son apprentissage. Je suis plutôt d’accord avec cette vision, même si, pour la vulgarisation des connaissances, un peu de pédagogie dite « descendante » me semble parfois nécessaire.

Structurer un atelier numérique

De façon très concrète, vous pouvez structurer votre atelier numérique en plusieurs séquences, qui abordent chacune un point précis de la thématique dont vous traitez :

• Accueil du public
• Séquence 1, incluant dans l’ordre que vous désirez :
  • Vulgarisation des notions générales
  • Débats
  • Activités pratiques/Exercices
• Séquence 2 (variation de séquence 1)
• Et ainsi de suite
• Retours du public en fin d’atelier

Le public est un humain comme les autres

L’accueil et les adieux au public sont un moment clef dans la relation humaine que vous créez en atelier. Le simple fait d’accueillir les gens en proposant du café (voire des croissants si votre structure a du budget) peut faire la différence entre une bonne et une mauvaise matinée passée avec un groupe.

N’oubliez pas d’inclure ces temps sociaux (ainsi que les pauses) lors de la conception de votre atelier.

Transmission des connaissances générales et de la culture web

L'idéal en pédagogie active est de mener son public à effectuer ses propres recherches, de façon à ce qu'il s'initie de son propre chef à certains savoirs. Cela amplifie l'investissement personnel lors de l'apprentissage.

Il est cependant parfois difficile, surtout quand on a un temps limité, de mettre en place ce temps de recherches. Il faut alors aborder certains sujets en passant par de la théorie et par la vulgarisation de connaissances générales, quitte à user d'une transmission dite « descendante », indispensable pour aller plus loin. Prenons l’exemple de la sécurité informatique pour des néophytes. Si quelqu’un mentionne les VPN, vous devrez expliquer en quoi cela consiste – et, croyez-moi, la question m’a été systématiquement posée en raison de tous les contenus sponsorisés par ces outils.

Partez du principe qu’entendre parler de concepts méconnus pendant des heures est épuisant pour votre public, même s’il fait preuve de bonne volonté. Pour ne pas sombrer dans l’indigeste, synthétisez au maximum, puis brodez sur ce canevas au gré des interactions avec le groupe. La simplification graphique sera votre meilleure amie si vous disposez d’un tableau.

Laisser la place au débat

Il peut y avoir un ou plusieurs débats durant votre atelier, selon les sujets traités. Permettre au public d’exprimer son opinion contribue à clarifier les divers points abordés, de créer une atmosphère agréable et de l’émulation, et de mieux cerner à qui vous avez affaire – voire de rebondir sur de nouvelles notions prévues pour la suite de l’atelier. Tout l’enjeu est alors de parvenir à cadrer la discussion sans être trop dirigiste, sans oublier vos contraintes de temps (voir plus loin).

Concevez le débat comme une autre façon de transmettre les connaissances et savoirs visés.

L’intérêt des activités pratiques

Les apprenants mémorisent et s’impliquent mieux lorsqu’ils sont dans l’action, c’est pourquoi miser sur la pédagogie active donne de meilleurs résultats. C’est le moment où vous pouvez effectuer des démonstrations de ce que vos apprenants seront capables de réaliser après votre atelier – le cadre FabLab s’y prête à merveille.

Visez alors l’« Effet Wahou ! » (Se décline en « Wah ! » et autres versions, vous cernez l’idée). Si la lueur du « C’est dingue ce truc, je veux parvenir à le faire ! » brille dans les yeux de votre public, vous avez fait la moitié du travail.

Créer un déroulé d’atelier numérique

Lorsque vous avez conçu la structure globale de votre atelier, que vous savez ce que vous voulez faire et, surtout, comment vous voulez le faire, vient le moment de formaliser un déroulé d’atelier. Il s’agit ni plus ni moins d’un scénario type.

À titre personnel, je préfère l’organiser sous forme d’un simple tableau, qui tient sur une feuille A4 format paysage. Voici par ailleurs le modèle Word dont je me sers, téléchargeable et réutilisable sur vos propres PCs.

Trois choses sont essentielles pour concevoir votre atelier : le minutage, les interactions et les éventuelles difficultés. Vous ne tomberez sans doute pas juste du premier coup, mais cela vous donnera des indications précieuses sur comment envisager votre animation de groupe.

Minuter son atelier numérique

Gardez à l'esprit que vous disposez d’un temps limité, que vous interveniez pour 2h ou une journée entière. Chaque partie de votre atelier devrait donc être minutée, afin d’aborder tous les points importants pendant le créneau horaire imparti. Vous allez devoir prioriser certaines sections au détriment d’autres, aussi je vous invite à prévoir une marge au cas où il y aurait des questions.

L’interaction avec le public

Essayez de définir au maximum ce que vous comptez dire ou accomplir en tant que formateur, et quelles sont les réactions et les actions que vous souhaitez de la part de votre public. Il y a toujours une part d’inattendu, néanmoins un certain nombre d’échanges peuvent s’anticiper. Jouer dessus vous permet de ne pas être déstabilisé le jour de l’atelier numérique.

Faire sauter les difficultés

Prenez le temps de détailler les possibles freins, techniques ou humains, qui pourraient bloquer votre public pour chaque section de l’atelier. Il peut s’agir aussi bien de thématiques sensibles que de difficultés liées à des situations d’illectronisme. Par exemple, si vous abordez le traitement de texte, vous devez tenir compte des individus mal à l’aise avec l’utilisation du clavier, qui vont inévitablement ralentir la dynamique générale.

Notez les éventuelles solutions à votre disposition pour chaque problème identifié.

Créer le(s) support(s) d’atelier numérique

Pour intéresser votre public, vous aurez besoin de divers supports, médias et matériels. Bien sûr, cela dépendra du sujet à aborder.

Dans le cas où il faudrait développer un fichier de présentation (conçu à l’aide de PowerPoint, Impress ou autre), basez-vous sur le déroulé de séance, en limitant la quantité de diapositives/slides au strict minimum. Si votre présentation ne correspond pas au déroulement du propos de votre atelier, c’est qu’il y a sans doute un illogisme à rectifier.

Je reviendrai sur les trucs et astuces pour créer une bonne présentation d’atelier numérique dans un article futur.

Rédiger une fiche ressource

Il est probable que vous désiriez reprendre l’atelier par la suite, de la même façon qu’un enseignant va réutiliser ses anciens cours d’une année sur l’autre – quitte à ajuster au fur et à mesure les contenus. Or, il s’écoule parfois plusieurs semaines, voire plusieurs mois avant de revenir sur le sujet que vous avez travaillé.

Rien d’aberrant, donc, à ce que vous oubliiez quelques points importants dans l’intervalle, auquel cas il sera stratégique que vous disposiez de vos propres aide-mémoire. Ceux-ci devront être assez synthétiques pour que vous puissiez vous réapproprier le thème en une brève lecture dans le métro/bus/carrosse. Ils devront cependant être aussi suffisamment détaillés afin que vous ayez de quoi vous conforter en cas de doute.

Maintenez ces fiches à jour de façon aussi régulière que possible, afin que vos ateliers ne soient pas à la traîne des dernières évolutions techniques.

Faut-il concevoir un support à distribuer aux apprenants en fin d’atelier ?

Voici un point qui mérite débat. Des apprenants m’ont parfois réclamé des fiches pédagogiques qu’ils puissent emporter chez eux une fois l’atelier terminé, fiches que j’ai pris le parti de ne pas développer jusqu’à présent, pour plusieurs raisons que je détaille ici.

• Un apprenant adulte qui sait que vous lui donnerez un récapitulatif à la fin de l’atelier va moins chercher à mémoriser ou à apprendre (implication).
• Ces fiches ont de fortes chances de finir au fond d’un tiroir (inutilité).
• Les fiches n’invitent à pas à la prise de note, or l’appropriation des connaissances passe en partie par la reformulation (mémorisation par l’écrit, implication).
• Une bonne part des apprenants qui me réclamaient ce type de fiches arrivaient à un moment ou un autre en atelier avec des classeurs pleins de ce genre de supports, issus de formations précédentes. Quand j’y jetais un coup d’œil, je constatais neuf fois sur dix qu’ils avaient déjà abordé le sujet, et que les réponses à leurs questions se trouvaient sur lesdites fiches. Ceci me prouvait qu’ils ne les lisaient pas (inutilité, implication dans l’apprentissage).
• Dans le cadre d’ateliers numériques, quitte à me répéter, je préfère stimuler la transmission orale plutôt qu’écrite (mémorisation auditive), stratégie qui a relativement bien fait ses preuves en pratique (choix personnel de méthodologie).
• Je pars du principe qu’un être humain en pleine possession de ses moyens jouit de capacités intellectuelles et de mémorisation minimales suffisantes pour apprendre n’importe quoi s’il en a vraiment l’envie (implication). Cette dynamique se renforce pour peu que la transmission des connaissances soit adaptée (effort pédagogique).

Il appartient à chacun de se positionner sur cette question. Au cas où, en tant que médiateur numérique, vous optiez pour distribuer une ou des fiches récapitulatives de votre atelier à destination du public, partez du principe que :

• Le document devrait être idéalement en FALC (Facile à Lire et à Comprendre),
• encourager la mémorisation plutôt que le recours à cette fiche technique,
• résumer les points essentiels de votre atelier, et non le remplacer.

Faut-il respecter à la lettre le déroulé de l’atelier?

Je m'accorderai ici le luxe de faire une réponse de Normand : oui, et non.

Oui, car si tout a été correctement conçu dès le départ, vous êtes supposé traiter tous les points que vous aviez prévus dans le temps imparti. D’ailleurs, c’est pour ça qu’on a fait appel à vos services de médiateur numérique. Respecter votre déroulé maintient à la fois la cohérence et la progression pédagogique.

Non, car vous n’êtes jamais à l’abri d’un imprévu technique, ou de questions pertinentes – bien que hors sujet – de la part de votre public. Plutôt que de faire l’impasse sur ces interrogations, autant s’accorder un peu de souplesse et y répondre de votre mieux, quitte à dériver. Dans l’absolu, ce n’est pas dramatique tant que cela permet de développer la culture numérique de l'assistance et que vous parvenez à transmettre quelque chose d’utile. Peut-être même cela sera-t-il plus en phase avec les attentes générales. Le risque est néanmoins de perdre du temps et de ne pas réussir à boucler son atelier.

Partant de ce principe, je prévois toujours des sous-thématiques bonus, de niveau plus avancé. Je m’accorde ainsi le luxe de ne pas les traiter et de dériver vers d’autres sujets si le public est demandeur, le tout sans faire l’impasse sur le cœur de l’atelier.

Ateliers numériques et contraintes techniques

Enfin, dans le cas où vous intervenez hors de votre structure habituelle, ayez le réflexe de vérifier les points suivants :

• La salle est-elle véritablement disponible ? (Mauvaises surprises dans le cas contraire, mais ceci peut arriver)
• Quel est le matériel disponible ? (Peut se révéler faux une fois sur place)
• La salle bénéficie-t-elle d’une connexion WiFi suffisante pour accéder au web ? Votre public sera-t-il en capacité de se connecter aussi ? (Nécessite de pouvoir faire l’atelier hors ligne pour sécuriser son déroulement ou d’avoir un routeur nomade)
• Disposez-vous des connectiques indispensables pour remédier à d’éventuels bugs ? (Câble Ethernet, HDMI, VGA et adaptateurs...)
• Si l’atelier utilise des médias où l’audio est important, disposez-vous d’un système son suffisant pour que chacun puisse l’entendre dans une qualité correcte ?

Par expérience, partez du principe que la loi de Murphy s’applique à tout le monde, en tout temps et en tous lieux.

J’espère que ce tutoriel vous sera utile pour concevoir de nouveaux ateliers numériques, et que vos publics sauront être réceptifs à vos méthodes de travail. N’hésitez pas à apporter votre contribution dans les commentaires ou à partager cet article avec celleux qui en auraient besoin 😄